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PROCEDURE ET DROITS DE LA DEFENSE : OBLIGATION D’ALLEGUER, COMPOSITION DU TRIBUNAL, EMPECHEMENT DE L’AVOCAT ET TRI DES PIECES

Un arrêt 4A_456/2015 [1] est bien rigide à nouveau sur l’obligation d’alléguer en procédure civile : un tribunal ne peut pas prendre en compte un fait, même fondé sur une preuve produite, mais non-invoqué par les parties. Ni l’argument que la partie n’en a pas tiré. En le retenant, le tribunal a donc violé la maxime des débats. Il y a deux manières d’appréhender cet arrêt. La première est très suisse et en ligne avec le rigorisme du CPC : la partie pouvait à la fois invoquer le fait et l’argument, et doit souffrir de ne l’avoir fait. C’est la règle du jeu. Mais ce qui est de mauvaise justice – puisque pouvant conduire au mauvais résultat (mais pas ici ce que le TF ajoute en fin de raisonnement). Et comme, après tout, chaque fois qu’un plaideur ne respecte pas la procédure. Il n’y a pas de droit absolu à prévaloir, mais seulement quand on procède de manière juste. L’autre est de dire que, jura novit curia, la juste solution juridique doit être retenue. Les tribunaux ne se gênent pas, quand ils le veulent, d’appliquer des solutions que les deux parties ne plaident pas. Et en faisant souvent fi du devoir de les interpeller alors sur cela pour respecter le droit d’être entendu. Quant à écarter un fait non-allégué alors qu’une preuve produite l’établit, cela peut aussi être trop rigoureux pour de mauvaises raisons dogmatiques : d’autres systèmes de procédure l’admettraient en arrivant dès lors au résultat juste. Croyons ainsi que c’est la conjonction entre le défaut d’allégation du fait et le défaut d’invocation de l’argument qui a amené le TF à cette position in casu. Un arrêt 4A_271/2015 [2] stigmatise le changement de composition du tribunal en cours de procédure, ou plus particulièrement l’absence d’indication de son motif. La durée, respectivement lenteur, des procédures, fait que nombreux sont les plaideurs confrontés à des juges qui passent. Avec pour effet que le ou les juges qui statuent ne sont pas les mêmes que celui ou ceux qui ont administré les preuves.

C’est une crainte fondée car, au-delà d’un procès-verbal, les impressions restent ou doivent rester, comme la justice une science humaine. Ce plaideur n’a gagné toutefois que sur un motif formel : le tribunal aurait dû indiquer les motifs du changement. Ne l’ayant fait, il ne pouvait le cas échéant contester le changement, et partant que l’art. 30 al. 1 Cst. était violé. Très bien, probablement, mais le réel problème reste le changement de composition lui-même. Gageons que ce soit surtout la solution du tribunal cantonal d’imposer une preuve négative au plaideur qui ait déplu au TF. Long arrêt 1B_ 324/2016 [3] pour dire in fine que ne pas retenir l’empêchement de l’avocat pour cause de conflit d’audiences viole le droit d’une des parties qu’il défend d’être assistée par le mandataire de son choix. Tremblons – puisque le TF s’empresse de prévenir qu’il n’en irait pas de même avec la surcharge de travail, les vacances ou l’erreur d’agenda. Inutile puisque ce n’était pas la question posée, et toujours irritant de la part de ceux qui n’ont pas jamais de délai pour statuer. Cela peut aussi être une gérable question de courtoisie, mais ne devant être usitée à la fin tactique de gagner – ou perdre – du temps. En Angleterre, où les audiences sont fixées selon la disponibilité des barristers, cela renvoie souvent l’audience aux calendes, ce qui est aussi irritant et dommageable. Arrêt 1B_90/2016 [4] enfin, qui juge qu’un policier ne peut effectuer un tri des pièces au pénal dans le cadre de la procédure de scellés. Trop proche de ses collègues et du Parquet. C’est juste, mais même s’il est question d’un expert au sens de 248 al. 4 CPP, le tri est avant tout une question de droit qui doit être du ressort de magistrats – au-delà de modalités techniques, ici informatiques, du tri.