Au titre des excellentes conditions-cadres pour les métiers de la finance en Suisse : L’impunité totale pour la mauvaise gestion

Posté le 18 août, 2014 dans finance / eco

Les banquiers et gérants d’actifs se plaisaient à louer les conditions-cadres de la Suisse d’après-guerre : stabilité politique et monétaire, Etat de droit, secret bancaire, fiabilité et professionnalisme. Puis la façade s’est lézardée sur plusieurs axes. Le secret bancaire a plié face aux volontés en matière de taxation de l’épargne. L’Union Européenne n’accorde pas le libre accès au marché unique. Et au plan interne le fichu et archaïque droit de timbre a été un efficace déterrent à une florissante industrie des fonds. Avec un environnement de taux bas durable, la diminution de la clientèle non-déclarée ou encore le flingage des rétrocessions par le TF, la pression sur les recettes et sur la rentabilité s’est faite certaine – et la place de pleurer sur les méchancetés des initiatives internationales sur la fiscalité, sur la nullité de Mme Widmer-Schlumpf à les protéger, et sur l’iniquité de l’absence d’accès au marché unique. Mon bon monsieur, les conditions-cadres de la finance en Suisse sont bien amochées et il faut y prendre garde. Il en est pourtant une, de condition-cadre, dont il n’est jamais discouru et qui est pourtant significative : sauf vol pur et simple de l’argent des clients, sa gestion fautive n’y est tout simplement jamais sanctionnée. Exercer en Suisse, c’est la garantie de pouvoir vendre de la viande de cheval à son client sans le moindre risque. Explication sommaire.

Aux Etats-Unis, les amendes et dédommagements que les banques ont payés ont dépassé les 100 milliards de dollars. L’essentiel de ces réparations portent sur les produits frelatés vendus au titre de gages hypothécaires, les subprimes, CDO et autres. Des banques ont été condamnées pour manipulations des changes, du Libor, des conseils inappropriés, des émissions biaisées par des conflits d’intérêts, etc. etc. L’industrie, dans les autres pays que la Suisse, a – durement – assumé ses errements lesquels sont notoires. Mais pas en Suisse. La statistique judiciaire suisse des condamnations civiles de banques et gérants pour mauvaise gestion ou mauvais conseils est inexistante – et il y a là un véritable problème culturel. Les juges civils suisses sont les dernières personnes au monde à penser que le banquier est par définition honnête. Pensez, il est régulé et surveillé par la Finma. Et le Suisse est honnête. Le client qui se plaint est donc un mauvais coucheur qui n’assume pas les pertes des risques qu’il a pris. Mais la réalité est toute autre : les banques et gérants suisses vendent tout autant de viande de cheval à leurs clients que les autres – mais le droit et le système roule pour eux, au travers de fictions et de formalismes.

Vous avez géré un kiosque à journaux ? Investisseur sophistiqué. Vous avez reçu la brochure sur les risques particuliers de l’ASB, lisez de l’industrie ? Vous avez tout compris même si vous n’avez jamais géré qu’un kiosque à journaux – et rien compris aux produits structurés à capital garanti de Lehman ou autre qu’on vous a fourgué pour toucher des rétros. Et si c’était du conseil en placement plutôt qu’un mandat de gestion discrétionnaire, alors là vous n’avez aucune chance quelle que soit la viande de cheval ou même de phacochère qu’on vous a vendue. Le juge civil de première instance suit la jurisprudence du TF laquelle ne protège que les banques, rendues sur la base d’une doctrine qui vit des banques. La Cour d’appel est liée par la constatation des faits, le TF aussi, et aucun juge civil n’ose juger que c’est de la viande de cheval – n’ayant aucune expertise pour pouvoir le dire. Le système est ainsi verrouillé et seuls les aspects formels s’imposent donc : le tenancier de kiosque à journaux n’a pas posé de question, il aurait dû, il a reçu la brochure, et donc acceptait les risques particuliers. La réalité est pourtant qu’il s’est fait refiler de la viande de cheval qu’il n’a pas comprise, parce qu’il faisait confiance, pour que la banque fasse de l’argent. La jurisprudence suisse exige de lui de surveiller la gestion ou d’évaluer les conseils qui lui sont donnés – mais comment le peut-il puisqu’il y a par définition inégalité de connaissance et de compréhension ? En faire des parties égales en responsabilité à la relation est simplement contraire à la réalité – et on ne le fait pas même pour un vendeur de meubles ou de voitures. Le juridisme suisse s’impose, c’est propre en ordre – mais injuste et dégoûtant. La statistique suisse des condamnations judiciaires civiles de banques est indigente, inexistante hors une infime poignée de cas crasse. Elle est totalement en-deça de la réalité de prestations fautives dans tout corps professionnel et en comparaison internationale. Ce n’est pas à l’honneur de la place et de la protection qu’elle doit réellement accorder à ceux qui lui font confiance.

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