Avocat-bashing – un sport à la mode mais de leur inutilité pour l’économie et la faute aux facultés de droit ?

Posté le 6 novembre, 2013 dans avocats / advocacy, finance / eco

L’avocat est de tout temps comme l’arbitre en foot : une moitié du stade le hait parce qu’il défend l’adversaire – mais chacun s’y accroche quand il en a besoin… C’est même pour certains un snobisme ou un power game : je vais vous envoyer mon avocat et vous allez voir ce que que vous allez voir, sous-entendu c’est le meilleur – ou le plus cher. Mais tout cela est du cinéma ou du café du commerce – tant le vocable recouvre en fait des pratiques différentes. Dans le bashing actuel les avocats sont néanmoins désignés responsables du blocage budgétaire aux Etats-Unis. Certes ils considèrent généralement que les leurs cessent rapidement de l’être quand ils deviennent politiciens mais de fait, pourtant, neuf sur dix des acteurs du blocage puis déblocage budgétaire aux Etats-Unis sont des avocats, pour un tiers au Congrès et plus de la moitié au Sénat – pour un pour deux-cent dans la population. Au Canada c’est un sur sept et en France un sur quinze. Et cela ne date pas d’hier – une moitié lors de la Déclaration d’Indépendance. En Suisse c’est entre-deux : trente juristes sur deux-cent au National. Autre illustration de ce bashing, le discours du Bâtonnier genevois à la dernière assemblée générale de l’Ordre a relevé, comme nombre de ses prédécesseurs de tous temps, la solitude de l’avocat, face à son client, sa conscience et ses décisions, le désamour opportuniste qui le frappe souvent, mais sa fierté de l’être – profession debout envers et contre tous. Bref rien de nouveau – mais au-delà de ces politiqueries et complaintes, l’avocat est-il utile à l’économie, entendez par-là fournit-il les prestations que lui demande l’économie ?

La réponse est probablement largement négative. Les termes sont aux Etats-Unis sévères : lawyers are suffocators, not creators of business. Mais il y a un réflexion avancée sur le sujet et en lien avec la formation. Les facultés forment des juristes performants quant à la chose juridique, mais isolés dans leurs raisonnements et finalement peu adaptés aux attentes de l’économie – hors le contentieux et certaines formes de conseil. Les études sont trop centrées sur le droit et n’intégrant pas suffisamment l’économie et ses besoins au titre du contexte dans lequel le juriste devra consulter. Conséquence et constatation : les avocats de formation n’accèdent plus aux postes dirigeants de l’économie – ce qui est peut-être tant mieux mais inquiète la filière. L’idée d’une jonction entre des cours d’économie et de droit fait ainsi son chemin. Y a-t-il là une opposition plus philosophique dans le sens où l’entrepreneur crée là où le juriste cadre, limite et contraint ? Peut-être. Et des limites relevant de l’éthique qui n’est décidément pas un enseignement fondamental en économie.

Si la question est posée aux Etats-Unis et de tels rapprochements étudiés, le constat devrait entraîner la même réflexion en Suisse. Une PME n’a pas de one-stop-shop auquel elle puisse s’adresser. L’avocat n’est pas formé et n’a pas une organisation pour traiter l’ensemble des besoins des entreprises : droit du travail, droit de la prévoyance et des assurances sociales, fiscalité, droit des contrats et de la concurrence, droit administratif et de police économique, financements, droit des sociétés, contentieux dans chacune de ces branches, etc. Il en faut littéralement un différent pour chacune et il est dès lors ou cela rend-il le service consolidé trop cher. Les fiduciaires ne satisfont pas davantage cette demande : elles ne maîtrisent pas l’ensemble de ces branches non plus et les grandes sont chères et les petites limitées. Imaginer des IPO sur un second marché est dans ces conditions à ne même pas songer et il n’y a de facto pas de financements de ce genre des PME et start-ups en Suisse – faute de ces compétences. La faute à qui alors ? A plusieurs facteurs probablement. In fine d’abord un immobilisme bien suisse : on reproduit ce qui s’est fait avant en mieux et en plus compliqué. De fait les matières enseignées et les programmes des facultés de droit n’évoluent pas dans le sens d’une plus grande utilité pour les entreprises. Le droit reste une matière noble, technique, savante, dans une certaine tour d’ivoire. Idem pour les barreaux qui peaufinent leurs spécialisations mais dans le cloisonnement et certainement pas la multi-disciplinarité et sans être organiquement à l’écoute de l’économie. A réfléchir. Si je suis patron de PME aujourd’hui, je suis en réalité assez embêté et mal servi.

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