AVOCAT ET PUBLICITE : LA SUISSE TOUJOURS DOMMAGEABLEMENT RETROGRADE

Posté le 1 décembre, 2015 dans avocats / advocacy

Quand cela arrange les uns, les avocats sont une profession de services. Quand cela arrange les autres, ils sont des auxiliaires de la justice. Pour un célèbre ancien procureur général, ils sont surtout les auxiliaires de leurs clients. Quand ils sont nommés d’office et payés à coups de bâton, ils sont de nobles et corvéables auxiliaires de la justice qui défendent les pauvres hères, mission de quasi-service public dont ils doivent s’acquitter la tête baissée en contrepartie de leur monopole de la représentation en justice. Allelujah. Mission qu’ils financent toutefois par le fait d’être à côté une vile et vénale profession de services. Bref, comme souvent, chacun voit midi à sa porte s’agissant de ce rôle. En concurrence pour certains conseils et services avec des entreprises globales comme banques, assurances et grandes fiduciaires, l’avocat suisse est toujours bridé dans la publicité qu’il peut faire. Pire, il est bridé par une notion largement imprécise et sujette au sentiment et pouvoir d’appréciation juridique d’autrui, la dignité. Prévisibilité limitée donc des conditions dans lesquelles il peut se faire connaître publiquement – au titre de la liberté du commerce et de l’industrie et de la loi sur le marché intérieur. Le Tribunal fédéral s’est penché récemment, en 2013, de manière approfondie, sur le cas désormais célèbre d’une enseigne lumineuse – refusée – sur le toit de son immeuble : Une publicité discrète et limitée aux faits objectifs correspond au besoin d’information du public et est admissible; l’exigence de discrétion concerne aussi bien le contenu que les formes et les méthodes de publicité. Caractère inadmissible de la publicité extérieure (inscription sur la façade de l’immeuble) dans le cas particulier en raison du manque de retenue dans la réalisation (ATF 139 II 173).

Le TF a depuis encore refusé la publicité d’un avocat dans la patinoire du club de hockey HC Bienne annoncée à chaque pénalité infligée à un joueur (arrêt 2C_259/2014). Un TV spot ou une vidéo Youtube semblent donc à des années lumières en Suisse – mais quid dans tout cela de l’intérêt du public ? Dans une économie de marché, la publicité est le moyen licite par lequel les prestataires s’adressent à leurs clients. Sans elle, certains, souvent les plus démunis ou les moins éduqués, ne peuvent se former leur opinion et peuvent donc ne pas avoir de perception ou de compréhension des produits soit, s’agissant de services juridiques, de leurs droits et de leurs options. Or chaque justiciable qui ne fait pas valoir des droits qu’il possède ou qui sont lésés par ignorance de ceux-ci ou d’avocats pour l’aider est une défaillance de l’Etat de droit. Mais il y a le bouche à oreille ? Pas vraiment un mode d’information complète. On tombe sur le copain, le voisin, le voisin du copain ou l’inverse. Aucune certitude d’être au bon guichet – et même plutôt l’inverse. Mais il y a le bottin de téléphone, aujourd’hui essentiellement électronique et en ligne ? Même pour celui-ci les avocats vaudois se chicanent encore pour savoir ce qui peut y être publié… Dans l’intervalle, les avocats qui offrent leurs services en ligne ont été assez sèchement recalés par… Bon à savoir, ne rappelant ainsi qu’une seule chose : il faut avoir le choix, il doit y avoir de la concurrence, il doit y avoir de la visibilité pour trouver le praticien adapté à son problème. Une approche réductrice de la publicité, même si les cas de l’enseigne lumineuse ou de la patinoire de hockey sont anecdotiques, est mauvaise pour le marché, pour la concurrence et donc pour le consommateur. In fine pour la qualité du marché. Discrétion et publicité, les termes sont presque antinomiques. On est pas sortis de l’auberge.

 

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