AVOCAT FICHU METIER (SUITE) – DU CONFLIT D’INTERETS ET DE L’USAGE DES RESEAUX SOCIAUX

Posté le 21 mars, 2016 dans avocats / advocacy

Article de John G. Browning (avocat à… Dallas) et Don Willett (juge d’appel à Dallas) publié par le Barreau du Texas sous le titre « Rules of Engagement » – quelques considérations sur l’usage des réseaux par les juges, susceptible de démystifier le pouvoir judiciaire. Ce sont des modes de communication incontournables même pour la magistrature, mais avec des cautèles bien sûr. Exemple politique récent : un juge fédéral de district Richard Knopf du Nebraska a posté sur son blog son opinion personnelle que Ted Cruz était « not fit to be President ». Le 1er Amendement est solide et formidable ! Ted Cruz l’avait cherché il faut dire – en proposant que les juges suprêmes américains doivent être régulièrement réélus. Plus en profondeur, le livre du même drôle de pistolet (Browning – ok elle était facile celle-là) « The Lawyers’ Guide to Social Networking » est un mode d’emploi fouillé et avec exemples et anecdotes, sur les bénéfices et risques d’utiliser les réseaux sociaux au plan marketing ou simplement professionnel. Le livre aborde entre autres Facebook et le droit du divorce et de la famille, les questions de notification par les réseaux (cf. ce blog), le caractère de preuve de ce que chacun poste en ligne, les questions éthiques pour l’avocat – et l’amitié sociale électronique entre juges et avocats. Il explique en quoi les réseaux sociaux sont en train de complètement modifier le système juridique et judiciaire – par ce nouveau pan de l’activité humaine que l’un et l’autre doivent intégrer. Passionnant ! Plus près de chez nous les sempiternelles questions de conflit d’intérêts de l’avocat, domaine éminemment casuistique et subjectif s’il en est. 

Article de MM. Grodecki (procureur et chargé de cours) et Jeandin (avocat et professeur) sur l’interdiction de postuler de l’avocat aux prises avec un conflit, in SJ 2015 II 107. Ils reprennent le principe d’indépendance et la définition légale du conflit, puis les derniers arrêts du Tribunal fédéral – et les incertitudes qu’ils comportent. Mais qui ne sont que l’illustration du caractère nécessairement casuistique du sujet. Ils examinent le point crucial en pratique de la compétence d’interdire de postuler pour cause de conflit, et de la qualité pour agir et recourir dans ce cadre – mal ou faussement réglée à l’heure actuelle. Ils concluent que la compétence appartient à l’autorité en charge de la procédure, civile ou pénale, soit contrairement à celle, à Genève, de la Commission du Barreau.

Ce blog respectfully but vigorously dissents avec cette conclusion, comme publié en 2012. Laisser l’autorité saisie décider de la représentation d’une partie, soit de disqualifier un avocat ou défenseur, est la pire solution parce que, surtout au pénal, elle est l’incarnation même de son propre conflit ! Elle est aussi, en termes de policy, invendable au justiciable, qui est tout de même le premier concerné et qui se voit privé de son conseil de choix par le juge qui va trancher son affaire ! Ce qui mine d’entrée le sentiment de justice. Rattacher le point de la postulation à la procédure est une vision des choses – mais la notion et l’existence d’un conflit dépendent de la LLCA qui est aussi du droit fédéral. Il faut donc sans ambages préférer même de lege lata la solution genevoise qui donne la compétence d’appliquer la LLCA à une autorité administrative propre. Créer une dichotomie entre la compétence pour décider de la postulation et celle du plan disciplinaire serait également schizophrène. Ce serait la porte ouverte au désordre et à l’incompréhension du justiciable, par des conflits entre l’une et l’autre – qui peuvent fausser le procès rétrospectivement en cas de décisions divergentes. Pas possible en effet de considérer que la Commission serait liée par la décision du juge saisi, ni ne soit plus compétente alors que pour l’examen d’une éventuelle sanction. A Genève, les juges respectent cette solution – parce que cela les dispense d’ajouter un contentieux interlocutoire épineux et casuistique à la procédure. Et ils ont raison.

 

 

 

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