BOWIE/BUSINESS

Posté le 14 mars, 2016 dans divers

David Bowie est mort, grand musicien probablement, grand artiste sûrement, et grand homme d’affaires – tout au long de sa carrière, avec cet album quasi-posthume, et qui se souvient des Bowie Bonds ? Bowie à la fin des années 90 était, à cause de son train de vie de rock star, riche en répertoire et en royalties à venir, mais sec en cash. Il fit donc émettre en 1997 des obligations produisant un très bon coupon, basées sur ses royalties à venir – et récolta cinquante-cinq millions de dollars. Elles furent souscrites, le coupon fut honoré et elles furent remboursées à l’échéance, soit sans défaut. Bowie visait-là à financer son train de vie, capitaliser sur un actif qui produisait – 287 morceaux sur vingt-cinq albums – mais à un taux élevé de presque 8% à une époque à laquelle les T-Bills rapportaient six et quelques. Bowie a-t-il eu du flair ? Grâce à Wall Street – qui cherche toujours à tout monétiser et transformer en pari vendable ? L’idée nouvelle était ici effectivement de donner une valeur dans la durée, à futur, et d’utiliser la possibilité de la leverager, à un artiste et à son répertoire. Quel que soit l’usage de l’argent levé. Nouvelle forme donc de financement des artistes ? Après tout émettre du capital (actions) et de la dette (obligations) est le moteur du système capitaliste, intégrant les notions d’information, de risque et de valeur de marché. Bowie bien que sec en cash avait une valeur estimée de près d’un milliard de dollars. Le ratio d’endettement paraissait donc correct – même si le taux de service de la dette était énorme par rapport aux niveaux actuels.

Il a eu de la chance toutefois, comme il en faut dans tout projet capitaliste, de l’avoir lancé avant l’avènement d’Internet. L’effondrement du marché physique et son déplacement sur le téléchargement et le streaming ont peu après entraîné à la fois une baisse des recettes et sa modification structurelle majeure. Cela aurait changé la donne – cf. l’album gratuit de Prince en 2007 qui en était le paroxysme. Et Bowie prenait le risque de perdre son catalogue qui serait passé aux créanciers comme n’importe quel actif en cas de défaut. D’autres artistes ont par la suite émis des titres de dette mais pour de moindres montants et procédé restant anecdotique. Dans l’industrie du film, il y eut quelques financements levés pour des productions sur la base de leurs revenus futurs ou d’autres oeuvres, mais sans que cela ne soit régulier. L’incertitude juridique et pratique qui pèse aujourd’hui sur la propriété immatérielle et la manière de sécuriser son rendement économique renvoie donc de telles opérations à l’histoire et aux études – mais il aura aussi légué cela. Sacré bonhomme.

 

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