Branson : Un Enforcement renforcé à la Finma ? – On ne demande qu’à voir

Posté le 23 novembre, 2014 dans finance / eco

Ce blog l’a souvent dit, (aussi ici et ici) il n’y pas en Suisse d’accountability dans le domaine de la finance. La statistique d’abus de marchés est indigente et à mille lieues de la réalité. Poursuivre des banques qui trompent leurs clients est illusoire. Et les dix dernières années sont pavées d’accidents industriels majeurs suite auxquels personne, aucune personne physique n’a été sanctionnée. Il y a là un problème suisse – et un problème global. En Suisse, il y a eu et y a encore un sentiment fort que les élites commettent parfois des erreurs, jamais des fautes. Il y a un esprit de corps dans un esprit de classe. Conjugué avec une incapacité des autorités à détecter et comprendre les comportements problématiques, cela assure une impunité à ceux qui font juste un petit peu plus sophistiqué que simplement voler. La CFB puis la Finma sanctionnaient bien quelques comportements crasses chaque année, comme pour bien montrer qu’on faisait quelque chose, et les décisions étaient publiées des lustres plus tard et complètement anonymisées – soit sans presque plus aucun effet préventif ou même simplement informatif, dans son obscur bulletin. Les gros fauteurs dormaient tranquilles : la Finma, comme les autorités pénales, n’avait ni l’état d’esprit, ni les ressources intellectuelles, pour comprendre les comportement les plus dommageables, pour oser les déclarer illicites et les imputer à faute – parce que plus complexes et commis par des notables. Ni le courage de monter au créneau. Sa communication était ainsi similairement inexistante, avec l’obsession maladive de protéger les intérêts particuliers des banques et personnes visées même sanctionnées – alors qu’il s’agit pourtant de la surveillance par un régulateur d’une activité soumise à concession et qui fait appel au public. Puis vint Mark Branson à la Journée de Droit Bancaire et Financier 2014 à Genève pour nous dire que cela allait changer.

Passons que le pompier soit un ancien pyromane, nous sommes aujourd’hui bien au-delà de ce point, il est en place et au moins connaît-il, lui, l’intérieur de la machine. C’était donc finalement probablement une bonne chose – plutôt que de nommer à nouveau un apparatchik trop respectueux de la vache sacrée et nourri au biberon du formalisme. Il nous a dit ainsi que la Finma, sous son ministère, mettrait l’accent sur l’enforcement, que les équipes avaient été renforcées, que cela devenait une priorité – constituant une réponse nécessaire aux dérives de ces dix dernières années. Il n’a pas regretté que la Finma ne puisse mettre d’amendes : l’accent doit être mis sur la répression et l’éloignement des marchés, de l’activité, de ceux qui se comportent mal. Soit des sanctions, concrètes, efficaces, avec leur effet préventif passant par une meilleure communication. Ce discours est juste et encourageant – mais attendons tout-de-même de voir. Il a promis un premier rapport annuel concret début 2015. Fort bien – car pour quiconque tente de la suivre (cf. ici pour la magnifique réponse de la Finma dans l’affaire Valiant, ou ici sur les PEP), la communication de l’enforcement de la Finma ces dernières années était opaque, incomplète, décalée dans le temps, et tout sauf préventive. Quasi-protectionniste. Mais cela mène au problème global. Les Etats-Unis, toutes autorités confondues, ont prononcé pour 100 milliards de dollars d’amendes contre des banques ces dernières années. Pour des manquements allant des supbprimes à la violation des embargos, de tromperies et conflits d’intérêts en lien avec des produits aux défaillances dans Madoff. Etc. etc. Mais sans jamais, ou presque, sanctionner de personnes physiques – tant qu’il n’y avait pas, comme en Suisse finalement, de vol ou équivalent.

Interrogé sur le fait qu’il infligeait des amendes de 4 milliards dans Madoff sans sanctionner de personnes physiques, le Procureur Preet Bharara répondit que les institutions avaient dysfonctionné – mais qu’il était difficile de savoir par qui et comment, que les amendes remplissaient la fonction pénale. Or les amendes règlent l’aspect financier de la sanction – mais punissent non les fauteurs mais les actionnaires, dont vous et moi par nos fonds de pensions, ce qui est injuste. Et c’est cela, l’impunité des personnes, qui a permis la répétition de comportements illicites dans la durée dans tous les types d’activités. En Suisse, il y a de vieux réflexes de secret, d’opacité, et la fiction, le fantasme, que la majorité fait juste, que les banques et acteurs de la finance sont régulés et se comportent bien, que les personnes sont éduquées, honorables, honnêtes, jamais vraiment fautives. Et que la prévalence de mauvais comportements est ainsi faible. Or rien n’est moins vrai. Les carences et défaillances des autorités pénales et de la Finma dans des cas comme celui de l’UBS, supbrimes, trading, Libor, fraude fiscale et autres, et l’impunité des élites que cela a consacré – alors que le petit, l’employé, est toujours sanctionné pour de petits manquements – ont été dommageables. Pour la Suisse, pour sa culture du travail, de l’honnêteté, de la fiabilité. Elles ont miné la confiance du peuple et des employés dans les institutions bancaires et dans les autorités. Elles ont nourri le sentiment de dépit de « tous pourris » qui est aussi simpliste que fondé et révélateur. M. Branson et la Finma restaureront-ils les standards et la confiance ? Please do – on ne demande qu’à voir.

 

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