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CAS CLAIRS : DU COURAGE QUE DIABLE, ET PREUVE A FUTUR – UNE DISCOVERY ?

L’unification de la procédure civile visait un système commun par l’apport des pratiques et jurisprudence cantonales affiné et validé par le Tribunal fédéral. Elle est donc le laboratoire des concepts nouveaux ou émanant de certains cantons seulement. Ainsi la Semaine Judiciaire de publier des arrêts sur le cas clair, dont l’utilisation par les tribunaux est à ce stade décevante, et sur la preuve à futur, notre « mini discovery-to-be » ? L’obligation de collaborer de l’art. 167 CPC ne se profile pas comme succédané de discovery comme cela aurait pu être le cas [1]. Les mentalités sont scotchées sur le principe (continental) que le demandeur a la charge de la preuve et doit se débrouiller pour l’obtenir. Si elle est détenue par l’adversaire, en gros tant pis pour lui – dans la faible limite de 167 CPC même selon la maxime applicable. La preuve à futur de l’art. 158 CPC l’aidera-t-elle à aller chercher la preuve chez l’adversaire ? Elle vise à la base à administrer par avance des preuves ordinairement prévues par le CPC, mais aussi celle nécessaire au requérant pour déterminer s’il a une base pour ouvrir action. Si elle se trouve chez le défendeur potentiel, alors la preuve à futur peut et doit devenir une sorte de discovery ciblée. Ce qui peut aider un demandeur à ouvrir action à bon escient, et à ne pas le faire s’il n’arrivera à prouver son fait, est de bonne justice. Y compris si la preuve déterminante est en mains de l’adversaire. Administrer ce contentieux préparatoire est donc utile car il peut aussi amener les parties à transiger utilement sur les risques et les chances réels en amont du procès au fond.

Dans l’intervalle, le TF a exclu la reddition de compte de la preuve à futur : fondement matériel pour la première, procédural pour la seconde. L’argument d’évaluer les chances du procès n’y change rien (arrêt 4A_191/2015 = ATF 141 III 564 = SJ 2016 I 231). Pas davantage de succès sous l’angle du cas clair : le TF est également restrictif. Parfois, la prétention vise l’obtention d’informations qu’une partie doit à l’autre pour elles-mêmes. Mais souvent, lorsqu’il y a contentieux, c’est bien parce que leur enjeu est de servir de preuve à d’autres prétentions contre celui qui refuse de rendre compte. Qu’un demandeur ait besoin de faire un procès complet sur cette prétention en reddition, pour ensuite devoir en introduire un autre après avoir obtenu ses preuves, est regrettable. Le raisonnement fondé sur la nature de la prétention n’est pas faux. Mais l’absence de vraie voie rapide est préjudiciable aux parties, qui mettront des années à traîner un contentieux dédoublé, et à la justice, qui devra les traiter. La porte que représentait de passer par le cas clair n’est qu’à peine entrouverte : cela suppose que le mandat et sa portée soient liquides selon le seuil élevé du cas clair (arrêt 4A_132/2015 = SJ 2016 I 229). Soyons réalistes : dans nombre de cas l’existence du mandat sera claire mais pas ses contours absolument précis, avec pour effet que l’interprétation trop restrictive actuelle du cas clair empêchera son application, et que ce contentieux interlocutoire devra se traiter en procès complet. A revoir.