Ce blog suit de près les États-Unis, sa politique, sa justice, son droit. Avec ses forces – et ses faiblesses, anciennes ou attisées ou révélées par le mandat de Trump. L’avortement est un sujet politique dans de nombreux pays, et là n’est pas la question. La Cour suprême, désormais majoritairement conservatrice, va probablement revenir sur son arrêt de 1973 qui fixait un seuil minimal au droit d’avorter. Mais au-delà de la mauvaise décision que cela représentera, quelles en seraient les autres conséquences ?
Le juge Thomas a demandé lors des plaidoiries où il serait même écrit dans la Constitution qu’il était permis d’avorter. Il lui a été répondu : dans sa norme prévoyant la liberté individuelle. La juge Sottomayor, elle, a clairement averti [1] : revirer Roe v. Wade, ce sera concrétiser définitivement que la Cour ne fait pas du droit – mais de la politique. Et, bien plus grave, que cela signifiera probablement sa fin. Ou une forme de fin.
Cela [2], ce blog l’a dit depuis longtemps. Les principaux sujets de société américains atterrissent devant la Cour – qui ne peut qu’appliquer la Constitution. Elle tranche donc en aguillant plus ou moins bien ses décisions sur celle-ci, et selon sa composition politique du moment, des sujets qui devraient être réglés par le législateur. Mais que le législateur, enfermé dans ses propres blocages politiques, échoue à régir. Sachant que la Cour, par ce même conservatisme, s’est encore enfermée dans l’originalisme [3], soit le fait d’apprécier les sujets de société actuels à l’aune de la volonté historique des pères fondateurs en 1787, le problème est apparent et vif. Que Roe v. Wade soit maintenu ou reviré, ce sera la concrétisation ultime et définitive, sur un des sujets les plus disputés du pays, que la Cour fait de la politique. Qu’elle le fait sur une base originaliste dépassée. Que cela est sociétalement absurde. Et que c’est cela qui doit changer. Si le revirement de Roe v. Wade en est le catalyseur, au moins cela.