COMMANDEMENT DE PAYER = CONTRAINTE

Posté le 30 janvier, 2017 dans divers

Le problème des commandements de payer abusifs est vif en Suisse, avec l’ouvrage sur le métier du législateur, mais en rade hélas. Adresser une poursuite est un acte licite, même si elle est contestée. Le hic est qu’elle est préjudiciable au débiteur envers banques, bailleurs, leasings automobiles, etc. quand bien même le créancier n’agit pas au fond, qu’il perd en fin du compte ou que le débiteur paie plus tard. Et c’est parfois un acte de pure chicane, sans réel remède puisque ouvrir une action au fond en constatation négative de droit est lourd, long, cher et injuste. Parmi les solutions évaluées par le parlement se trouvait donc de limiter l’accès au registre des poursuites dans certaines circonstances – mais emplâtre sur une jambe de bois. L’action pénale pour contrainte vient à l’esprit lorsque l’envoi du commandement de payer procède de cette intention et de cet effet. Mais la justice n’y a donné suite que dans des circonstances très qualifiées. Et cet examen des conditions d’une infraction nécessitant souvent l’examen préjudiciel du fond de la prétention civile, ce que le juge pénal n’aime pas trop faire. Or un arrêt récent du Tribunal fédéral 6B_378/2016 vient de lancer le balancier très, trop ?, loin dans l’autre sens. Au point qu’un créancier en vienne à trembler avant d’adresser une poursuite ?

Ca dépend, comme on dit dans le canton de Vaud. Et ça dépend des faits. Le raisonnement du TF est toutefois précis : c’est le lien entre une offre transactionnelle de 20’000.- et le montant de la poursuite pour le total du loyer sur la durée du bail, soit 611’325.-, qui cristallise la contrainte. Le commandement de payer pour le second montant visait ici à contraindre d’accepter le premier. Le TF retient la chronologie comme essentielle. Le second aspect est celui de l’illicéité de la contrainte, qui est donnée si le moyen est disproportionné. Recevoir une poursuite de 611’325.-, pour une personne ordinaire, constitue une pression considérable – et dès lors susceptible de la forcer à accepter l’offre transactionnelle. Ceci est vrai. A ceci près que la créance n’était pas a fortiori infondée ou abusive – comme dans les cas de chicane. Le TF se dispense donc commodément d’examiner la question car c’est le fait que le bailleur se déclarait prêt à accepter 20’000.-, montant trente fois inférieur, qui démontre que c’est ce qu’il visait par le commandement de payer, au sein d’autres menaces de procédés juridiques. C’est-à-dire au plan de l’intention, cruciale au pénal. L’arrêt est donc franc et fin, même s’il ne fait qu’entériner les décisions inférieures. Ce qui est dommage est que ce sont ces circonstances liées à l’offre transactionnelle et au commandement de payer qui font cette solution. Sanctionner une poursuite abusive demeure nécessaire : il serait injuste de ne pas le faire s’il y a uniquement une créance manifestement infondée ou chicanière ne visant pas à contraindre, mais simplement à gêner, mais pas de telles circonstances. A suivre sûrement.

imprimer cet article | Envoyer à un ami | Commentaires fermés sur COMMANDEMENT DE PAYER = CONTRAINTE | RSS

laisser une réponse