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COMMENTATEUR INVITE DR. ADRIAN DAN : RETROCESSIONS – LE RETOUR… AU PENAL !

Les rétrocessions occupent les tribunaux civils depuis des années. En 2006, le Tribunal fédéral avait indiqué à quelles conditions « le mandant renonce valablement au versement des ristournes et autres recettes encaissées par le gérant » en lien avec l’art. 400 al. 1 CO (ATF 132 III 460). Il a ensuite précisé et consacré l’importance des devoirs d’information et de restitution du mandataire (cf. ATF 143 III 348 ; ATF 138 III 755 et ATF 137 III 393). Ces décisions ont obligé les mandataires à se montrer plus transparents envers leurs mandants. Les premiers ont complété leurs conditions, déjà générales, pour faire renoncer les seconds à la restitution des rétrocessions. Vu la quantité et la qualité des explications fournies dans la pratique aux mandants, elles sont rarement conformes à la jurisprudence. Alors que la discussion est loin d’être close, l’arrêt 6B_689/2016 [1] que vient de rendre le TF la ravive sous un nouvel angle : il aborde pour la première fois le volet pénal des rétrocessions, au titre de la gestion déloyale (art. 158 CP).

Devant les autorités cantonales, le prévenu, actionnaire unique et administrateur de la société gérante, a été reconnu coupable d’abus de confiance, gestion déloyale, faux dans les titres, blanchiment d’argent aggravé et usage de faux fiscal. Devant le TF, il conteste notamment l’infraction de gestion déloyale en lien avec les rétrocessions reçues de la banque dépositaire (c. 3). Le TF rappelle que l’existence d’un contrat de mandat obligeait, de manière « indiscutable », la société de gestion à « rendre compte aux clients et, en particulier, à les informer des rétrocessions et rétributions que la banque lui versait ; elle leur devait en outre restitution de ces sommes ». Au plan pénal, le devoir d’informer les mandants incombait au prévenu, en sa qualité d’organe de la société, vu l’art. 29 lit. a CP auquel le TF fait implicitement référence. Selon les juges, la bonne exécution de l’obligation de rendre compte conditionne l’effet de l’obligation de restituer (c. 3.2). Ainsi, si la violation du devoir de restituer n’est pas encore constitutive per se de gestion déloyale (c. 3.1), le fait de ne pas informer le mandant des montants reçus empêche celui-ci de demander la restitution de ce à quoi il a droit. Le dommage se caractérise alors par une non-augmentation de ses actifs : le patrimoine du mandant n’est pas augmenté des montants qui lui reviennent de droit.

La société avait pourtant fait signer aux clients une clause par laquelle ils déclaraient renoncer à être informés et à recevoir les rétrocessions ou rabais qu’elle percevait de tiers. Selon le TF, cette clause n’était cependant pas de nature à exonérer la société de son obligation de rendre compte puisque « les clients n’avaient reçu aucune information préalable concernant l’ampleur de ce à quoi ils renonçaient » (c. 3.4). Ayant failli à son devoir d’informer, et adopté des comportements, dommageables, contraires aux intérêts pécunaires des clients, le prévenu, et non la société (cf. art. 102 al. 1 CP), a commis des actes de gestion déloyale. Cet arrêt illustre l’importance des obligations de rendre compte et de restituer dont le mandataire est débiteur. Il sanctionne pour la première fois pénalement la violation de ces devoirs. Ce n’est cependant pas surprenant, mais simplement logique, vu la jurisprudence civile précédemment établie. Ye be warned.