CPC – OU L’UNIFICATION DE LA PROCEDURE POUR CONTINUER A TOUS FAIRE DIFFEREMMENT (SUITE)

Posté le 9 mars, 2016 dans droit / law

Merveilleux CPC – destiné à unifier la procédure civile dans toute la Suisse là où elle changeait vingt-six fois tous les cinquante kilomètres. Cinq ans après jugez donc. A Genève au fond, certaines chambres du Tribunal acceptent d’entendre l’auteur d’un rapport d’expertise privée comme témoin, d’autres non. Et sachant qu’hélas, le CPC et la jurisprudence ont ratiboisé le caractère de moyen de preuve, et donc la portée, des expertises privées. Au profit de la sacro-sainte expertise judiciaire, mais qu’il est souvent coûteux et compliqué de mettre en oeuvre, et sans pourtant qu’il doive y avoir préjudice à ce que les plaideurs puissent user des deux. Grandes disparités cantonales aussi sur ce sujet. A Genève au fond, les juges laissent toujours le litige respirer, s’exprimer, en admettant une large audition des témoins sans les cantonner aux allégués littéraux – pour autant que leur audition se rapporte aux offres de preuves prises comme un tout. Et tant mieux. Dans le canton de Vaud, les juges restent très cadrés sur les allégués mais s’assouplissent un peu – par la présence d’avocats genevois ? Pour un séquestre, il y aura audience permettant au juge et au séquestrant de discuter le cas de séquestre à Bâle, mais pas à Zurich ni à Genève – où c’était le cas dans le temps. En mainlevée, audience individuelle et pas de réponse écrite en principe ou d’office dans le canton de Vaud, audience commune et plaidoirie sans réponse écrite à Genève, possibilité de répondre par écrit avec réplique/duplique en audience dans le canton de Berne francophone, dix jours pour détermination écrite sans audience à Neuchâtel le haut – et cinq jours à Neuchâtel le bas. Et chaque canton intégrant le droit à la réplique dans l’ensemble des procédures avec plus ou moins bonne ou mauvaise grâce.

Bref, ainsi, chacun fait, continue à faire, comme il veut, sur la base de ses anciens droit et usages, ou en mettant le CPC en oeuvre à sa propre sauce. Bien ? Mal ? La loi est la loi. Et de nombreux plaideurs souffriront encore la rigidité et les fictions, lésionnaires du résultat de justice, du nouveau code. Mais c’était le système en vigueur ou presque dans plusieurs cantons. Ces disparités que l’unification n’a donc pas réussi à gommer, indépendamment des points de stricte organisation judiciaire qui demeure une compétence cantonale, sont évocatrices d’un fait : il n’y a pas qu’une manière de gérer un procès civil et le seul vrai carcan, la seule vraie base commune, le seul vrai noyau dur est la définition des garanties fondamentales de procédure dans la Constitution et la CEDH. Le CPC est-il peu disert ou extensif sur certains points pour laisser la place à la créativité, à son évolution et aux pratiques cantonales ? Pas véritablement. Le législateur a voulu laisser à la jurisprudence d’harmoniser certains concepts à partir d’un code unique. Il n’a pas voulu laisser subsister tant de différences assez fondamentales dans la manière de rendre la justice. Quelle conclusion en tirer ? Qu’il ne faut pas avoir une approche doctrinaire ou dogmatique de la procédure. Que rester trop proche du carcan formel n’améliore pas la qualité de la justice et crée déséquilibre et injustice en nuisant surtout à la faculté du demandeur de l’obtenir. Et que de ne pas s’en tenir au carcan formel ne crée pas non plus le désordre dans le débat judiciaire – toujours cadré par les principes fondamentaux, droit d’être entendu, contradictoire, égalité des armes, etc. Pas fini tout ça.

 

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