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De la justice pénale aux ressources créatives des criminels

Quand Madoff a été condamné à 150 ans de prison, en raison du système de calcul des peines américain, ma fille aînée alors ado avait dit que cela était ridicule, ne rimait à rien, que c’était du gâchis d’être simplement en prison à ne rien faire jusqu’à la fin de ses jours. Et qu’il serait mieux qu’il soit condamné à des travaux d’intérêt général tout le restant de sa vie. Cette remarque formulée à l’occasion de cette condamnation exceptionnelle pourrait l’être pour nombre de peines dans tous les systèmes pénaux. De fait, le pouvoir de punition, rédemption, dissuasion d’une peine est très variable d’une société et d’une culture à une autre, et bien davantage lié aux facteurs de cohésion sociale et d’éducation qu’à sa dureté ou sa brutalité. Pour autant, dans le livre Blindfolds Off [1] évoqué sur ce blog, le juge Chin explique en détail pourquoi, alors qu’une peine de 30 ans aurait eu la même conséquence, pour Madoff il est allé au maximum applicable. Pourquoi ces 150 années de prison symboliques s’imposaient. Et Madoff est en prison à vie comme d’autres le sont de même ou pour longtemps. Où ils ne servent à rien – ou quasi-rien. Pourtant les criminels sont créatifs – à leur manière, ce que livre un livre The Misfit Economy: Lessons in Ceativity from Pirates, Hackers, Gangsters and Other Informal Entrepreneurs [2].

Pour les auteurs, les créatifs ne sont pas nécessairement les Steve Jobs et autres – mais les criminels qui doivent vivre et survivre en trompant en outre le système et la loi. Marchés noirs, économie souterraine, objectifs criminels, vie carcérale, il faut une dose d’inventivité pour faire avec rien ou arriver à opérer son commerce – et la question est ce que l’économie légitime peut apprendre de ces exclus. Loin pourtant l’idée de les louer : nombre de leurs succès résident dans la force, la violence, la menace, le bris de la loi. Mais d’autres dans des formes de créativité allant de rudimentaires système D à des fraudes hautement sophistiquées. L’exploitation de la crédulité ou des faiblesses humaines n’est pas en reste non plus. Quant à savoir comment exploiter ce réservoir, comme dans des GovJams [3] ou brainstorms, c’est évidemment une autre question. Dans l’intervalle d’autres criminels exploitent eux les ressources et technologies du monde légitime – comme les braqueurs roulent en voiture : l’Etat Islamique produit des films de propagande, les publie sur les réseaux sociaux, utilise ceux-ci pour véhiculer ses messages et rassembler et connecter ses sympathisants. Tout comme les pouvoirs légitimes ou démocratiques – ou pas. La frontière est parfois abyssale, parfois ténue…