Des nouvelles d’Amérique : Le droit en deux ans ? et le nouveau métier de préparateur de cols-blancs à leur peine de prison

Posté le 16 septembre, 2013 dans droit / law

Barack Obama, jadis étudiant à Harvard Law, a remis en selle par une petite phrase lors d’une conférence une idée controversée – mais signifiant qu’elle a ses partisans : réduire les études de droit de trois à deux ans. En Europe Mario Monti il y a une dizaine d’années, lorsqu’il était commissaire européen à la concurrence, avait également averti les professions juridiques que des exigences de formation trop élevées en devenaient cartellaires et constituaient une entrave à la concurrence. Aux Etats-Unis, les considérations sont essentiellement de deux ordres. Les études de droit sont payantes et le diplômé en droit commence sa vie professionnelle avec une dette moyenne de $ 108’000, supérieure à la moyenne des premiers salaires. Soit un poids financier qui grève lourdement son entrée dans le vie active et entraîne une baisse du nombre d’inscrits dans les facultés de droit, lesquelles sont également des entreprises dépendant du financement que leur apportent leurs étudiants. Ensuite faut-il vraiment étudier trois ans – là où un stage pratique même peu rémunéré complèterait plus utilement la formation tout en la raccourcissant, et où les étudiants américains ont déjà un College Degree qui leur a aussi coûté ? Sous l’angle du droit européen de la concurrence, le fait que les prestataires de services juridiques soient tous formés de longues années pose plusieurs problèmes également. Renchérissant le coût de la formation, cela renchérit à son tour le coût pour les consommateurs, dont une majorité n’a pas besoin des qualifications les plus élevées. Cela limite par ailleurs la concurrence – ce qui est préjudiciable au consommateur.

En Suisse, il n’y a pas de sensibilité ni débat à la réduction de la durée des études. Personne ne soulève la question et le dogme est plutôt celui de l’empilage de tout les blocs et crédits que les facultés, mais dont c’est précisément aussi le fonds de commerce, estiment nécessaires à la formation du juriste, dans le carcan du système de Bachelor/Master de la réforme de Bologne. Exit au moins avec la LLCA l’ancien doctorat « moins » des vaudois pour être avocat, mais aucune sensibilité à Genève par exemple pour réduire le stage de six mois et compenser ainsi l’allongement résultant de Bologne. Curieusement ni la faculté ni les politiques n’avaient eu le moindre égard pour l’intérêt pourtant primordial pour l’Etat à ce qu’un étudiant soit plus vite contribuable – plutôt qu’une unité de coût, et l’intérêt pour celui-ci à gagner plus vite sa vie et financer moins longtemps ses études. La question demeure réelle et concrète même si elle n’est pas sur la table : pas besoin d’être bac plus sept et plus en cas de post-grade pour la grande majorité des prestations juridiques que les clients attendent de leur avocat. Cela préjudicie le consommateur comme ceux qui ne peuvent pas envisager de financer de telles études de près de sept ans. Et n’en déplaise au sentiment corporatiste que tous les avocats doivent être des érudits humanistes sur-formés et tous au même standard élevé de formation.

Mais s’agissant des métiers en lien avec la pratique du droit et des tribunaux celui de sentencing and prison consultant. Aux Etats-Unis, les cols-blancs vont en prison. Leurs actions sont mues par l’avidité, greed, avec à la clé pour certains la descente du succès à l’enfer. La perspective de la prison les épouvante – là où les problèmes de sécurité sont aujourd’hui remplacés par simplement l’ennui et le choc psychologique du confinement. Herbert Hoelter, expert en sentencing, les aide à se préparer à une vie monotone, à absorber le choc de ne plus rien faire, de ne plus être puissants, entourés, hyper-actifs, et leur famille, et en amont à adopter la meilleure attitude pour obtenir une peine plus clémente ou simplement juste, et proposer les mesures de substitution éventuellement envisageables. Paradoxalement d’autres sortes de délinquants font l’objet de mesures de préparation, aide et réinsertion – mais pas les cols-blancs. Herbert Hoelter traite cent cinquante mandats par an parmi lesquels il a eu les frères Madoff, Michael Milken, Martha Stewart, Alfred Taubman ou Raj Rajaratnam. Cela devait assurément être intéressant. Hoelter a fait des sciences sociales. Pour le reste le droit mène à tout – à condition d’en sortir.

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