DIEU DIT DE PORTER DES JEANS

Posté le 20 mars, 2017 dans actu / news

En l’espace de deux mois, les deux plus hautes instances judiciaires européennes ont rendu deux décisions volant heureusement au secours de la laïcité. Le 10 janvier, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a tranché que l’obligation de deux élèves musulmanes de participer à des cours de natation à l’école portait atteinte à la liberté religieuse, mais que cette atteinte était proportionnée et donc admissible. La Cour développe les principes applicables en aval de cette obligation, dont une certaine latitude des Etats dans l’aménagement du rapport entre la religion et l’Etat. Elle s’abstient toutefois de se demander en amont qui, quel Dieu, quel prophète, quel interprète, a dit que des élèves ne devaient participer à des cours de natation – pour des raisons in fine vestimentaires. Parce que ce serait toucher au contenu de la religion – dont la liberté est garantie constitutionnellement ? Suffit-il donc de ne toucher, en termes de comportements, qu’à l’intersection entre ce qu’imposeraient une religion et la vie civile ? Est-ce ce qui a mis fin aux guerres de religions – puisque personne ne peut arbitrer ou juger l’irrationnel de l’autre ? Mais c’est maintenir le constat du caractère politique et prosélyte de la religion, en ce qu’elle ne touche pas seulement au for intérieur. Son affichage et son exercice sont aussi garantis, ce qui touche à l’interaction entre les hommes. Et qui dit interaction dit pouvoir et domination – ce qui, lorsqu’au nom de l’irrationnel, demeure le péril le plus terrible contre toutes les autres libertés.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu le 14 mars un double arrêt traitant, sous l’angle de l’interdiction de discrimination au travail, de la même question in fine vestimentaire. Elle esquiva le point de la discrimination directe en se fondant sur la neutralité pratiquée par l’entreprise. Elle trancha celui d’une discrimination indirecte sur la base d’une pesée d’intérêts entre ceux, religieux, individuels, et ceux, commerciaux mais relevant également de sa liberté, de l’entreprise. Ces cas sont délicats comme de nombreux autres auparavant. Ils participent de ce qui peut être vu de deux manières : un contentieux constitutionnel sur une situation particulière liée à l’envie de vivre comme chacun l’entend, ou une guérilla contre l’Etat laic et ses frontières. Le vrai problème n’est cependant malheureusement pas là. Il ne vient à personne l’idée d’intenter un procès constitutionnel à l’entreprise ou à l’école qui prohiberait de venir en jeans. Sans être imposé par un Dieu quelconque, le pauvre jeans n’est rien, et certainement pas l’arme d’un combat constitutionnel. Et la vie civile et la société sont faites de la diversité dans la liberté, toutes les libertés et leurs arbitrages. Un foulard ou un voile ne sont rien d’autre qu’un jeans. Un bout de tissu. Sauf qu’ils sont imposés par un pouvoir irrationnel. Tant que l’homme n’aura pas réglé le fait qu’aucun Dieu quelconque n’impose quelque bout de tissu que ce soit à quiconque, les jugements de nos cours constitutionnelles en seront réduits à de tels arbitrages. Et à ne pas aborder que ces combats ont lieu par un irrationnel imposé aux femmes. Alléluia.

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