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DROIT PENAL ET SPORT : TOUJOURS UNE BARRIERE ?

A l’heure à laquelle la FIFA n’aura bientôt plus personne d’éligible à sa tête dans ses rangs, une agression en NHL commise le 3 octobre suscite à nouveau la question de l’intervention du pénal sur les terrains de jeu, et au-delà, celle des atteintes à la santé causées par le sport de compétition. A la FIFA, la justice pénale est désormais intervenue – et il s’agit d’infractions de cols blancs. Il sera difficile d’y trouver des personnes encore éligibles vu que tous ceux qui y participaient faisaient partie du système à un degré ou à un autre. Et les têtes continuent à tomber. Pourquoi pas donc un vrai coup de balai avec un ou des outsiders ? Après tout ce n’est que du sport et du management, et l’appartenance à la « grande famille du football » n’est pas un réquisit fondé. Peut-être Blatter réalisera-t-il un jour que l’emploi de ce terme qui se voulait chaleureux et communautariste faisait davantage référence à la mafia avec une partie de ce qui la caractérise : omerta, allégeances, contrainte, compromission, etc. En NHL donc, le hockeyeur Raffi Torres a écopé de 41 matches de suspension sans paie, soit une sanction financière de $ 440’000. Ce n’est pas rien et l’instance disciplinaire a fait son travail et tenu compte de ses antécédents déjà sérieux. Elle a donc pris ses responsabilités. Reste qu’à voir et revoir le geste sanctionné [1], c’était une agression qui (re)pose la question d’une poursuite pénale d’office, et du coup celle de l’intervention du juge pénal sur les terrains de jeu.

Comme l’a dit l’instance disciplinaire de la NHL pour justifier la sanction, qui est elle-même justiciable en tant qu’acte juridique, l’agression était caractérisée. Le joueur a pris quatre pas de patineur d’élan pour venir frapper de l’épaule la tête du joueur adverse sans jouer le puck ni en avoir eu l’intention. A l’heure ou x caméras filment le jeu sous toutes les coutures, le geste apparait assez insensé. Mais la justice pénale n’intervient pas. Ce geste serait-il survenu devant une boîte de nuit ou dans la rue, il aurait été poursuivi. Est-il souhaitable – ou non – que la justice pénale intervienne sur les terrains de jeu ? Il y a la question et les incohérences. Un terrain de jeu n’est pas soustrait à l’ordre juridique – et donc pas au droit pénal. Il ne devrait donc pas y avoir de situations dans lesquelles la règle de jeu n’est pas violée – mais la norme pénale l’est. Si une agression casse la jambe de l’adversaire, le geste ne peut pas respecter la règle de jeu. La société accepte-t-elle ou souhaite-t-elle que la discipline sportive soit administrée par les seules instances sportives, et que le juge pénal ne se mêle pas de l’activité sportive ? Cela est loin d’être clair ou certain – comme pour toute activité, l’objectif est que les comportements ne constituent pas à la base des infractions. La question se pose donc de savoir si une agression comme celle commise par Raffi Torres ne devrait pas entraîner l’ouverture d’une poursuite pénale d’office.

La question d’une agression individuelle pose ensuite la question suivante : le pratiquant d’un sport doit-il accepter d’être victime d’atteintes occasionnelles ou récurrentes à sa santé ? Cela parce que c’est le déroulement du sport en l’état de ses règles, ou que les coups y sont sanctionnés comme une faute de jeu mais se produisent régulièrement. La question se pose vu les constatations établies dans les sports US sur le phénomène des commotions et de leurs séquelles. Sur 87 de 91 joueurs de NFL décédés étudiés, leur cerveau présentait des lésions dues à des chocs récurrents à la tête. Des décès récents parmi des amateurs et des juniors ont aussi relancé le débat. Est-il normal, admissible, licite de s’exposer dans le cadre d’un sport à des lésions corporelles graves infligées dans le respect des règles de jeu ? Il est licite de prendre des risques sportifs pour soi-même, l’exemple statistiquement extrême étant le base jump. Comme il est licite d’atteindre à sa santé en fumant ou buvant, ou en faisant un triathlon avec trop peu d’entraînement. Mais l’est-il, ou socialement acceptable, de subir des lésions illicites causées par des autres pratiquants ? Y a-t-il là consentement et a-t-il des effets juridiques ? A bientôt je pense une refonte des règles des sports qui causent ordinairement des lésions corporelles, et les procès qui la précéderont ou la suivront. Et pour le bien commun.