Eh bien voyons : Les avocats et les fonds vautours qui font de l’argent sur le (pauvre) dos des Etats européens en crise

Posté le 24 avril, 2014 dans finance / eco

Un bien mauvais rapport que celui publié par un Transnational Institute et un Corporate Europe Observatory sous le titre « Profiting from crisis – How corporations and lawyers are scavenging profits from Europe’s crisis countries ». Des « spéculateurs » seraient protégés par le système leur permettant d’attaquer les Etats en crise pour leur dette souveraine, ce qui mettrait la démocratie en danger et enrichirait grassement leurs avocats. Cette étude s’en prend aux traités d’investissements qui prévoient ces mécanismes de réparation, et à leurs systèmes de jugement, souvent arbitraux, qui coûteraient excessivement cher en frais d’avocats. Et permettraient ainsi de poursuivre des Etats débiteurs et défaillants – à leur préjudice et celui de leur population. Elle s’en prend au dogme, capitaliste s’il en est, qu’une crise profite toujours à de tels spéculateurs, et dès lors indûment. Permettre aux créanciers de poursuivre des Etats en difficulté pour leurs créances empêche ainsi et in fine ces Etats de s’en sortir – raison pour laquelle il faut mettre fin à ce traitement privilégié. Wall Street a créé une crise bancaire qui a obligé les Etats européens à sauver leurs propres banques, les précipitant dans les déficits ce qui a à son tour des conséquences sociales dévastatrices. Or cette étude mélange tout, part de bases radicalement fausses – et n’exprime qu’une position doctrinaire fausse, dommageable et même stupide.

Fausseté tout d’abord parce que la crise bancaire n’est pas la cause des déficits des Etats européens en difficulté. Ils le sont intrinsèquement pour n’avoir pas maîtrisé leur déficit budgétaire alors qu’ils abandonnaient leur souveraineté monétaire. Fausseté parce que les sentences arbitrales obtenues dans le cadre de traités d’investissements, qu’il est au demeurant difficile de mettre à exécution, ne représentent rien dans l’océan des déficits étatiques. Et fausseté dogmatique fondamentale : comment un Etat pourrait-il attirer un investissement extérieur dont il profite ou a besoin – s’il était écrit d’avance qu’il n’y aurait aucun remède (par définition juridique) pour que l’investisseur puisse recouvrer sa créance si elle n’est pas honorée ? Un Etat dont la dette souveraine n’est pas recouvrable, ne serait qu’une obligation naturelle à bien plaire, ne lèvera pas non plus d’emprunt sur les marchés qui ne sont nullement obligés de lui prêter. La confiance est le seul moteur de l’investissement comme de la souscription d’une dette étatique. Confiance dans ses capacités financières mais aussi dans sa parole – qui passe par la faculté d’exécution. C’est au contraire l’Etat sans parole et contre lequel il n’y a pas de recours ni leviers qui court à sa ruine, y compris sociale, mais non ceux qui honorent leur signature.

S’en prendre dans cette suite aux avocats que ces litiges engraisserait en coûtant des millions et dizaines de millions est également candide. De tels litiges sont coûteux en valeur absolue à l’unité, mais ces coûts étant insignifiants à l’échelle des dettes étatiques. Et les avocats payant des impôts ! Ces litiges sont longs, complexes et coûteux parce que les investisseurs lésés affrontent des Etats reniant leur parole et résistant de mauvaise foi et souvent par tous les moyens. L’alibi social n’a ici aucune justesse : c’est un Etat qui n’honore pas ses dettes qui s’appauvrit, et donc ses prestations sociales, par le renchérissement de ses facultés de financement. Quant aux « spéculateurs », cette étude ignore qu’ils créent de la liquidité par ce marché secondaire, en prenant un risque élevé et en avançant les coûts, et permettent aux petits porteurs lésés de toucher une part de dédommagement là où ils ne toucheraient autrement rien faute des moyens individuels pour… tenter de faire de même, soit recouvrer par la voie contentieuse. Si les spéculateurs visent le profit – lequel n’est pas illicite -, ils profitent au petit porteur ou à l’investisseur initial, souvent vous et moi en matière de dette souveraine au travers des fonds de pensions, qui autrement subissent la perte causée par l’Etat défaillant en plein.  Vraiment tout faux ce rapport.

imprimer cet article | Envoyer à un ami | Commentaires fermés sur Eh bien voyons : Les avocats et les fonds vautours qui font de l’argent sur le (pauvre) dos des Etats européens en crise | RSS

laisser une réponse