Exportation du droit par les contrats, résister aux modèles anglo-saxons – et la résistance à l’Etat de droit comme protectionnisme économique et serviteur d’intérêts particuliers illégitimes

Posté le 19 janvier, 2011 dans droit / law

L’excellent article de Michel Benichou dans la Revue de l’Avocat (Suisse) 11-12/2010 évoque l’un des moyens d’exportation du droit, l’apport du droit des contrats par les juristes dans les échanges commerciaux transnationaux. Il constate le formidable outil de pénétration qu’a été à cet égard le droit anglo-saxon des contrats, doublement bénéfique puisqu’à cette exportation du droit s’ajoute le but premier de la manoeuvre, donner à leurs transactions la sécurité juridique du droit qu’elles connaissent aux parties occidentales. L’auteur regrette que le droit continental, pourtant plus simple puisque permettant une plus ample référence à la loi, ait fléchi au plan international par rapport à son rival. Et de souhaiter son plus large avènement, par l’activité des avocats, à partir de la plate-forme européenne. Il est vrai que la méthodologie et le verbiage contractuel anglo-saxons sont venus polluer des contrats pourtant soumis à un droit continental. Cela est dû à un côté moutonnier des avocats et des parties rédigeant des contrats, à la reprise devenue servile de clauses et formulations types inutile et, il faut bien le dire, à la perte de vue de l’application directe de la loi de la formation aux effets à la fin et à l’inexécution du contrat. Dans un monde moderne et global dans lequel la production juridique devra se simplifier et gagner en efficacité et en coût, les juristes continentaux auront là une carte à jouer. Et le lien entre ce sujet et le suivant est naturel.

L’exportation du droit anglo-saxon des contrats avait un objectif premier : assurer la sécurité juridique de celui s’engageant dans une transaction transnationale. De cette sécurité juridique dépend la viabilité économique de l’échange et, in fine, sa prospérité et celle de son co-contractant. L’assurer par le droit applicable et la qualité du contrat est une chose. L’autre membre nécessaire de cette équation est  la qualité de l’Etat de droit au sens large – permettant aux parties de faire respecter s’il le faut leur contrat. Ainsi, la qualité de l’Etat de droit est directement en relation avec la confiance et la prospérité d’une économie. Lorsque l’Etat de droit est déficient, cela peut-être par simple défaut de moyens, de culture, et donc d’efficacité. C’est toutefois plus généralement parce que cela protège des intérêts particuliers illégitimes. La faiblesse de l’Etat de droit empêche, au profit des intérêts politiques de régimes en place, l’avènement de la démocratie et de la bonne gouvernance, que la justice protège et consacre lorsqu’elle est indépendante. La faiblesse de l’Etat de droit protège une activité économique biaisée en faveur des acteurs locaux jusqu’à une économie carrément mafieuse. Elle permet enfin la corruption dans tous les secteurs de l’activité étatique. C’est là également la protection illégitime d’intérêts économiques voire criminels particuliers, souvent simultanément ceux du pouvoir politique ou en lien avec celui-ci. Le calcul économique de l’entreprise ou de l’investisseur étranger doit alors inclure la prime de ce risque – ce qui nuit à la prospérité voire élimine la viabilité de l’opération. Ce biais n’affecte pas que les intérêts économiques extérieurs. Il prive aussi les acteurs intérieurs d’une égalité des chances et d’un accès égal à la prospérité. Le frein à l’Etat de droit est ainsi une forme véritable et forte de protectionnisme. Pour un seul exemple de milliers les effrayantes tribulations d’IKEA en Russie.

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