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FAILLITE DE LA BANQUE PRIVEE ESPIRITO SANTO : UN NOUVEAU TEST – DEJA RATE ? – POUR LA JUSTICE PENALE SUISSE

Ce blog l’a souvent dit – la justice pénale suisse est à la peine dans la répression des infractions pénales économiques commises dans la finance par des acteurs a priori légitimes. Coïncidence et opérations de com., le premier procureur genevois Yves Bertossa et le procureur général de la Confédération Michael Lauber étaient dans les journaux la semaine dernière pour vanter leur détermination dans la lutte contre la criminalité économique. Ces autorités affichent des résultats dans la poursuite de la corruption internationale, de son blanchiment et la saisie de leur produit. Mais ces infractions sont assez faciles à poursuivre. Les éléments constitutifs sont simples. Et dès l’instant où une partie des faits est mise à jour, souvent par des déclarations de soupçons des banques ou par la presse, la trame se fait jour, le paper trail apparaît et l’écheveau se démêle. Il suffit de bloquer les avoirs identifiés, et difficile pour quiconque de se pointer pour les réclamer en pouvant démontrer qu’ils ne sont pas mal acquis. Quand il s’agit d’infractions commises sur les marchés ou au sein des banques ou de mécanismes d’investissements, il n’y a en revanche plus personne – car ces infractions sont difficiles à comprendre, à démêler, nécessitent des actes d’enquête plus nombreux et une compréhension des marchés que ces autorités n’ont pas. Ajoutez-y la présomption de bonne fin dont jouissent indûment ces secteurs d’activités pour assurer l’impunité concrète de fraudes graves. La dernière en date est la faillite de la Banque Privée Espirito Santo.

Impossible que le bilan d’une banque privée fonde de 90% en un exercice sans des irrégularités potentiellement sinon certainement pénales. La Finma a ouvert une enquête – mais sans rien encore communiquer. Elle est une black-box qui travaille lentement et dans l’opacité puisque, anomalie grave, elle n’est pas soumise à la Ltrans. Et pire, elle travaille sans échanger avec l’autorité pénale, avec même défiance envers celle-ci. Elle publiera ses conclusions dans x années et de manière limitative. L’effet réparateur pour le marché et les clients victimes sera égal à zéro. Au pénal, la presse a évoqué en 2014 un ping-pong entre le MPC et le Parquet vaudois – et depuis plus rien. Pourtant la fraude est apparente : la banque suisse a placé massivement, par ordre du groupe, des obligations de ses deux holdings non-bancaires Rio Forte et ESI [1] auprès de ses clients. Elles étaient présentées faussement ou équivoquement « comme celles de la banque », du « groupe » – en lesquels ceux-ci avaient confiance. Leur taux d’intérêt en EUR était relativement élevé pour des durations courtes, ce qui semblait intéressant. Or un tel placement était déjà en soi problématique, mais, au moment où le groupe demande à la banque de placer ses titres, il est déjà dans des difficultés non-révélées – qui font elles l’objet d’enquêtes pénales à l’étranger. Le groupe et la banque ont ainsi littéralement siphonné les avoirs des clients de la banque pour tenter de renflouer le groupe – qui fera tout de même faillite. De tels faits doivent être instruits d’office – ne pas le faire ni le dire est une défaillance grave. C’est un nouveau test très concret pour la place financière.