FIFA et corruption : L’assourdissant silence (une fois de plus) des autorités de poursuite pénale zurichoises – et c’est cette inaction qui portera atteinte à la Suisse et non le contraire

Posté le 30 mai, 2011 dans actu / news, sport / sportlaw

Dans tous les articles de presse sur les événements de ces derniers jours, comme il y a quelques mois, et comme in fine plusieurs fois par année depuis x années, il est question de corruption à la FIFA. Le mot est sur la table dans tous les médias : corruption. Pour ceux-ci le terme est clair et signifie exactement ce qu’il exprime. Il n’y a guère que les autorités de poursuite pénale (et politiques) zurichoises pour ne visiblement pas le savoir, ne rien comprendre ni ne rien entreprendre. Le refrain susurré est toujours le même lorsqu’il doit vraiment l’être : c’est de corruption « privée » dont il s’agirait au pire, et ce n’est pas une infraction en Suisse (hors de cas très limitatifs). L’explication off est la même qu’à l’époque où il s’agissait de faire quelque ménage au CIO pour les mêmes raisons : ne brusquons pas les choses, ni pénalement ni fiscalement, laissons passer l’orage, sinon ils s’en iront – au préjudice de la Suisse. Avec la FIFA, c’est précisément et au contraire de ne rien faire qui sera inéluctablement préjudiciable pour la Suisse.

La FIFA devient ainsi très durablement perçue comme opaque et corrompue, et durablement incapable d’y remédier elle-même. Et le fait qu’elle soit en Suisse signifie que cela y est toléré, que cela y est associé. La résultante est claire : lorsque le ménage se fera, avec ou sans les autorités suisses, il y aura la forte tentation de couper le lien avec la Suisse également, avec laquelle ces pratiques auront été assimilées. Les autorités de poursuite pénales zurichoises ont déjà montré leurs limites dans l’affaire UBS (cf. ce blog, ce blog et Le Temps). Elles sont incapables de traiter ce type d’affaires – et de fait il n’y en a pas à Zurich, et cela ne signifiant certainement pas qu’il ne s’en produise pas. L’argument selon lequel il ne s’agirait que de corruption privée et qu’aucune plainte n’est déposée ? Il confine à l’analphabétisme pénal. La corruption, quelle qu’elle soit, possède toujours la composante inverse d’extorsion et une fine délimitation entre les deux. Lorsque des sommes provenant ou constituant de la corruption privée passent en comptabilité ou y sont omises, leur caractère civilement illicite vicie les comptes et bilans et d’autres infractions poursuivies d’office sont alors envisageables, notamment la gestion déloyale et le faux dans les titres. Enfin, la corruption privée peut entraîner une qualification d’escroquerie au préjudice de ceux qui en sont victimes tierces et qui placent une attente, et des intérêts pécuniaires, dans un processus non-vicié.

En quinze mots comme en cent, il existe rien que dans les médias une prévention bien suffisante pour ouvrir enfin une enquête pénale et tenter d’affronter un problème que visiblement toutes les procédures internes et les belles déclarations ne règlent pas, cela d’années en années. Si les zurichois persistent à ne pas le faire, cela sera préjudiciable à la Suisse, à la place financière. Et in fine parce que la FIFA partira pour les raisons précitées – et non parce qu’il lui serait fait l’injure d’enfin enquêter sur cette gangrène. Peut-être même que d’aucuns dans ce système rongé en seraient soulagés.

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