FORMULAIRE R BANCAIRE : QUAND SWISSBANKING SE MOQUE DES AVOCATS ET FAIT LA CARPETTE DEVANT FATCA

Posté le 14 novembre, 2015 dans avocats / advocacy

Il y a dans la vie – juridique – des inepties qui résultent des circonstances, d’un enchaînement de choses, du manque de vista ou de courage de chefs ou de petits soldats, de la mécompréhension par manque de culture juridique. Ou du cynisme et de capitulations. Explication ? En Suisse, l’autorégulation est un mode de régulation prisé. Cela n’est pas un mal en soi puisque l’efficacité de normes juridiques se mesure entre autres à leur degré d’acceptation par ceux qui doivent les respecter. Si ceux-ci les édictent, cela peut poser question toutefois quant à leur légitimité en fonction de leurs buts, mais en principe ils les respectent. C’est ainsi que SwissBanking, l’ancienne Association Suisse des Banquiers, édicte depuis des décennies sa Convention de diligence – représentant ainsi un standard de comportement des banques. Normes édictées de manière privée donc, soit sans contrôle législatif ou judiciaire, mais qui dépasse le seul statut de règles associatives puisqu’elles sont agréées par le régulateur, mais sans qu’il les incorpore au droit positif ou réglementaire sinon par certains renvois limitatifs. Louables processus et consensus régulatoires ? En apparence uniquement. SwissBanking n’est qu’un lobby. Qu’il fixe seul des règles du jeu qui deviennent contraignantes, par force cartellaire, envers leur clientèle et contreparties, sans contrôle législatif ni recours judiciaire, est problématique. En d’autres termes, la profession fixe ses règles du jeu aux autres acteurs, et sans recours. Lorsque ce lobby sacrifie les intérêts des avocats et de leur secret professionnel participant des droits fondamentaux pour faire la carpette et s’absoudre de ses errements passés devant Fatca, cela ne va pas. Avec en prime l’arrogance de se prétendre EXCELLENT sur son site Internet.

L’activité de l’avocat est couverte par son secret professionnel pour son activité typique. Le secret ne le protège pas lui : il est dû à ses clients. Dans le cadre de cette activité typique soumise au secret professionnel, l’avocat doit parfois instrumenter des fonds de clients. C’est donc là une exception au principe selon lequel une banque identifie l’ayant droit économique des avoirs qui lui sont confiés. Au lieu de remplir une formule (et non formulaire) A identifiant l’ayant droit économique, l’avocat remplit une formule R indiquant que les avoirs en cause sont sujets au secret professionnel. L’avocat engage sa responsabilité : si sa déclaration est inexacte, il viole le droit et commet un faux dans les titres. Jusque là tout est bien, clair, juridique, carré et légitime. Mais voilà-t-y-pas que SwissBanking a modifié le formulaire R en limitant le champ dans lequel l’avocat peut détenir des avoirs sous le couvert du secret professionnel – et ce champ étant défini « à cause de Fatca » par un règlement du Trésor américain. En d’autres termes, l’avocat suisse, soumis à surveillance suisse, dont le cadre de l’activité typique est régi par le droit suisse, ne peut déposer des fonds de clients suisses en francs suisses dans une banque suisse sous couvert du secret professionnel suisse que selon la délimitation plus restrictive d’un règlement du Trésor américain ! Rien que de l’énoncer signifie que SwissBanking est tombé sur la tête. Pourquoi pas un règlement du Trésor Indien ou Russe ? Et pourquoi cette solution alors que même sous Fatca, d’autres Etats ont maintenu le régime du formulaire R précédent, et que le droit américain n’impose pas cela non plus aux avocats américains aux Etats-Unis ? L’explication que cela aurait été imposé par le législateur suisse par l’adoption de l’accord Fatca et de la la loi fédérale correspondante ne tient pas : cela n’a été rendu possible que parce que le lobby bancaire l’a accepté sans sourciller pour ne pas mettre en péril ses seuls intérêts propres.

Les fonds de clients d’avocats suisses dans le cadre d’une activité typique soumise au secret professionnel représentent probablement un pourcentage infime des dépôts en banque des avocats suisses. Les fonds détenus par des avocats suisses dans le cadre d’une activité typique qui seraient soumis à des revenus de source américaine sujets à retenue à la source aux Etats-Unis sont probablement inexistants. Cela est donc en tout état absurde. Je ne signerai pour ma part JAMAIS un formulaire R m’imposant une délimitation de mon secret professionnel de droit suisse fixée par un règlement d’une administration étrangère. Pas même parce que le législateur, avec la supplique du lobby bancaire empêtré alors dans ses négociations avec le DoJ, a adopté l’accord et la loi. Je ne veux même pas lire ni avoir à l’interpréter ce règlement du Trésor américain droit étranger par renvoi s’il en est. Résultat des courses ? Nombre d’avocats transfèrent leurs comptes clients dans des banques étrangères qui n’ont pas cette définition hérétique. Puis, comme nous sommes bien servis par ces banques étrangères, nous y transférerons nos autres comptes. Et SwissBanking aura gagné quoi ? Se priver d’une part fidèle et influente de sa clientèle : les avocats et leurs clients. Beau modèle de gestion prospective de ses intérêts. Le problème juridique de tout cela est que comme la Convention de diligence n’est pas du droit positif, il ne peut pas résulter de décision sujette à recours de la mise en oeuvre du nouveau formulaire R. Et cela quand bien même il prive les avocats suisses et en réalité leurs clients d’un accès aux services bancaires dans des conditions propres au droit suisse. Or l’accès aux services bancaires et de trafic des paiements est aujourd’hui un droit fondamental. Merci à la FSA de ses efforts soutenus dans le sens de la résolution de cette situation absurde face à l’EXCELLENT SwissBanking.

 

 

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