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Genevagate, Woerthgate, Whatevergate : La France et l’Italie républiques bananières – et heureusement qu’il y a la Justice…

L’Italie est une république bananière. Il y a une tradition politique forte – mais hélas des dérives qui n’ont jamais pu être éliminées. Que Berlusconi crée un ministère inutile le vendredi, pour y placer un des ses anciens cadres de chez Fininvest pour le soustraire à des poursuites pénales, notamment pour blanchiment, et que celui-ci doive tout de même démissionner le lundi, cela n’est qu’un exemple parmi mille. Rien que de très banal. Certains auront hurlé, d’autres nié et fait front – et tout redeviendra plus ou moins tranquille jusqu’à la prochaine fois. La France est pour sa part un Etat demeuré intimement féodal. Faites ce que je dis, pas ce que je fais, y a toujours été un principe fort. Mais il y a un temps pour tout pour ceux qui ne réalisent pas des faits ou leur apparence problématiques. Et celui pour M. Woerth de faire rire la Suisse de Schadenfreude est arrivé. Ses dénégations offusquées sont ridicules car elles miss the point (sorry de faire du franglais – et les ministres français ne savent d’ailleurs pas l’anglais). Le problème n’est pas qu’il ait touché du cash hors de comptes de campagne, ni l’origine éventuellement non-officielle des fonds qu’il est venu collecter en Suisse auprès des sympathisants de l’UMP, ni qu’il soit intervenu ou non pour Mme Bettancourt ou qui que ce soit, ni qu’il ait su ou non sur l’oreiller que Mme Bettancourt « arrosait » à la suggestion de son conseiller, ou encore qu’elle ait eu comme tout le monde des comptes en Suisse – au demeurant 80 millions sur x milliards qu’est-ce que cela peut bien faire compte tenu de la vocation française en matière de bas de laine, de travail au noir, etc.

Tout cela sont des faits, vrais ou faux. Le problème réside dans les apparences qu’il n’a pas voulu voir et dans la rupture de confiance qu’elles induisent. Et son erreur est politique et de jugement : il n’est pas possible en tant que ministre du budget, faisant la leçon aux autres en termes de bienséance fiscale, de ne pas avoir vu de problème en amont des révélation survenues, justes ou fausses, dans le fait que son épouse travaille pour le family office d’une milliardaire, sachant en outre qu’elle venait régulièrement à Genève, et qu’une personne comme Mme Bettancourt pouvait vraisemblablement avoir des comptes en Suisse. La politique est l’art d’accommoder des intérêts sans cesse divergents. Les hommes politiques accommodent trop souvent des réalités objectivement dangereuses – sur l’espoir de les esquiver par l’absence de preuves et des dénégations, sinon la théorie du complot. M. Woerth, tout bon ministre ou politicien qu’il soit, est politiquement mort, déconsidéré, pour avoir pensé get away with it de problèmes potentiels qu’il n’ignorait pas – s’il les ignorait c’est qu’il est trop candide pour ce métier. La France est féodale – mais avec cela simultanément et toujours révolutionnaire. Il y a pour le pouvoir un constant arbitrage à faire entre les privilèges et la vindicte. Pour le reste, Mme Bettancourt est probablement, sauf son respect, de la vieille école. Cette perception, féodale également, qu’il faut « arroser », sans corrompre nécessairement, je veux dire sans objet précis, afin de se ménager des amis au sein du pouvoir, escompter une certaine influence, mais sachant que cela ne marche pas forcément et que cela ne peut marcher que s’il n’y a pas de grabuge. S’il y en a, nous ne pourrons rien faire pour vous. Et à moins que les fonds sortis des crousilles de Mme Bettancourt l’aient été pour ce prétexte séculaire mais aient été divertis en route – simple hypothèse de travail mais qui s’est vue régulièrement. Ce huilage du système restera de mise tant que, il faut le dire aussi, les politiciens et élus resteront mal payés pour l’ampleur de leurs responsabilités, de leur charge de travail et de leur engagement.

Et la Justice ? Heureusement, il y a la Justice et, en France et en Italie, elle fonctionne plutôt bien et, surtout, de manière indépendante. Certes, la Justice a aussi ses défauts. Une lenteur et parfois des absences troublantes en Italie. Un système de garde à vue indigne d’un Etat moderne et une culture de la fuite en France. Il est inadmissible que le rapport du juge d’instruction au Parquet soit dans la presse avant même que le Procureur ait fini de le lire. Ces travers perdurent – au carrefour des traditions féodale et révolutionnaire. Mais la Justice instruit ces affaires et parvient à ses fins. Dernière réflexion : les politiques tombent parce qu’il n’y a pas, dans la culture politique, de reconnaissance et de compréhension du problème du conflit d’intérêts et de la notion d’indépendance. Le politique est constamment entrepris par des intérêts divergents. Il fait constamment passer les intérêts et l’ambition avant l’indépendance. Et la politique est malade de cette carence. Juristes, avocats et juges baignent eux constamment dans ces notions. Les uns et les autres ont l’obligation d’éviter les conflits d’intérêts et même leur simple apparence, leur potentialité, déjà dommageable pour le principe et la reddition de la Justice. Les uns et les autres sont confrontés jour après jour avec les contours du conflit et de l’indépendance, loins d’être toujours évidents, mais leur principe demeurant concret et obligatoire. Et les uns et les autres sont sanctionnés s’ils y manquent. Pour avoir occulté conflits et apparences, M. Woerth est cuit. Il n’est pas le premier ni ne sera le dernier.