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HONEY TRAP

A l’heure du #MeToo, Red Sparrow [1] vient rappeler de manière décalée, mais réelle, brute, dure, l’usage de la séduction et du sexe dans l’espionnage. Loin des flirts légers et convenus de 007/Roger Moore, Red Sparrow surfe la vague d’une guerre froide retrouvée. Ou, plutôt, qui ne s’était qu’éclipsée à la faveur des années Eltsine, grâce à l’effondrement de l’Empire soviétique, transition, via une période de capitalo-banditisme, vers la reprise en main par Poutine. Il l’a bien compris, Poutine : une Russie économiquement faible (son PIB équivaut à celui de l’Espagne) doit recourir, pour valoir, à la peur qu’elle inspire. Et cette peur repose sur une puissance militaire, concrète même si relative, sur un totalitarisme qui musèle en outre opportunément à l’intérieur, et sur le fait de se créer ainsi des ennemis – recette de tout leader nationaliste qu’il soit autrichien, communiste ou américain. Bref, cela, faire peur, la Russie a toujours su faire. Red Sparrow est-il crédible sur le recours, forcé ou sous couvert d’intérêt supérieur de la nation, au charme et au sexe ? Des femmes ont de tout temps été utilisées, par conviction, instrumentalisation ou de l’argent, pour faire tomber ceux que la compromission aux mœurs atteindrait. Ou en obtenir des confidences, par séduction ou chantage.

Red Sparrow pourrait être un bon James Bond actuel – mais dépeignant un espionnage dénué de toute technologie et qui semble dès lors anachronique. Ou parce que les vraies taupes ne se trouvent pas sur Internet ni via la NSA ? L’auteur du roman, Jason Matthew, ancien de la CIA pendant 33 ans, doit être au courant – même si romancer est le propre du… romancier. Ce n’est pas pour rien que le film pointe en seconde place du box-office en première semaine. Même avec un cast et une réalisation magnifiques, et qu’il y a un peu de Nikita [2] dans l’histoire, le double-sujet continue à faire fantasmer. Et comme la Russie continue à mentir de manière institutionnelle et sans la moindre vergogne lorsque son intérêt l’exige, comme l’illustrent les affaires du vol MH 17 ou de Sergueï Skripal avec la réponse pré-enregistrée du complot occidental, l’intrigue fonctionne. La réalité est à vrai dire moins manichéenne qu’il n’y paraît – mais les deux blocs l’entretiennent ainsi avec tous ses clichés, probablement donc, finalement, dans leur intérêt. Et une posture connue est plus simple à manier et à entretenir. Reste que si Red Sparrow dit vrai, on voit mal ces femmes se plaindre de leur enrôlement forcé via la mouvement #MeToo – et il y a donc toujours une vraie frontière en matière d’Etat de droit. Доброй ночи.