Initiative Minder : Pourquoi Economiesuisse a-t-elle besoin d’être malhonnête et le cybersquatting politique auquel elle s’est livrée est-il vraiment licite à défaut d’être éthique ? Une boîte des meilleurs chocolats de Genève à celui qui établira qu’il s’agit-là d’un acte illicite

Posté le 26 janvier, 2013 dans actu / news

Il est étonnant de voir à quel point régulièrement les termes entreprise et éthique ne riment pas. Le cybersquatting de noms de domaine Internet liés à l’initiative Minder par Economiesuisse a entraîné incrédulité et réactions. Mais pire que de l’avoir fait le fait et de le revendiquer, ne pas comprendre le problème d’éthique que cela pose. C’est un problème récurrent d’éthique des élites suisses – comme M. Hildebrand, le formidable M. Hildebrand qui ne comprenait pas le problème qu’un banquier central et son épouse traitent et fassent des profits sur les devises, ou le capitaine d’industrie Christophe Blocher qui ne comprenait pas la séparation des pouvoirs à la tête du DFJP. Mais manifestement M. Gentinetta n’a pas de problème à se regarder dans la glace en se rasant le matin d’être malhonnête – intellectuellement. Mais cette démarche est-elle malhonnête seulement intellectuellement – ce qui devrait suffire à ce que l’association faîtière des entreprises a priori légitimes s’en abstienne ? Paolo Bernasconi estimait à la radio que ce n’était pas éthique mais « probablement » pas pénal. François Charlet, juriste spécialiste des domaines concernés, estime sur son blog que ce n’est pas illicite sous l’angle de l’enregistrement des noms de domaines. Alexis Roussel, du Parti Pirate, également juriste spécialiste dans le domaine, estime lui aussi que cette démarche n’est pas éthique, mais pas illégale. Vraiment ?

Il y a tant de lois que nul n’est à l’abri d’être pendu disait Napoléon. Bernasconi et autres estiment que Economiesuisse se discrédite, que finalement cela suffit comme message, et que cela pourra même renforcer le camp du oui. Mais je n’en suis pas sûr. Le procédé reste politiquement déloyal et il ne faut pas tabler sur le fait que ses victimes feront toutes cette part des choses. Si un concours était ainsi lancé en Suisse à tous les juristes ou autres phosphoreurs pour trouver une illicéité civile ou pénale qui s’applique à ces actes éthiquement lamentables, il y en aurait bien un qui trouverait. Et après tout pourquoi pas faire ce concours : une boîte des meilleurs chocolats de Genève à celui qui en trouvera une le premier. Des chasseurs de primes, fût-ce une boîte de chocolats mais les meilleurs, aux trousses des requins d’Economiesuisse, c’est plutôt amusant. Entre l’entier du code pénal et du droit pénal accessoire, l’entier du droit civil et des droits de la personnalité, les droits politiques applicables aux votations et processus électoraux, la pénétration des rapports de droit civil par les droits fondamentaux, le droit des médias et des nouvelles technologies lequel emprunte aux autres domaines, le droit de la concurrence, il y aura je suis persuadé de quoi être pendu. Alors peut-être un seul des patrons des entreprises membres d’Economiesuisse (pas besoin d’envoyer une enveloppe timbrée – elles sont ) prendra-t-il son téléphone pour dire au directeur : « Mais ça va pas ? ». A moins que leur intérêt et leur peur de l’initiative l’emportent vraiment…

3 réponses à “ Initiative Minder : Pourquoi Economiesuisse a-t-elle besoin d’être malhonnête et le cybersquatting politique auquel elle s’est livrée est-il vraiment licite à défaut d’être éthique ? Une boîte des meilleurs chocolats de Genève à celui qui établira qu’il s’agit-là d’un acte illicite ”

  1. Alex dit :

    Allez vous acheter vos chocolats bien mérités. Vous donnez vous-même la clé. Jurisprudence relative à la garantie des droits politiques (art. 34 Cst): l’exigence d’une information correcte et « retenue » ne s’applique pas seulement aux autorités mais également aux particuliers (cf. par ex. ATF 119 Ia 271, c.3c): « nach der bundesgerichtlichen Rechtsprechung können auch private Informationen im Vorfeld von Sachabstimmungen in unzulässiger Weise die Willensbildung der Stimmbürger beeinflussen. Von einer unzulässigen Einwirkung wird namentlich dann gesprochen, wenn mittels privater Publikation in einem so späten Zeitpunkt mit offensichtlich unwahren und irreführenden Angaben in den Abstimmungskampf eingegriffen wird, dass es dem Bürger nach den Umständen unmöglich ist, sich aus andern Quellen ein zuverlässiges Bild von den tatsächlichen Verhältnissen zu machen (BGE 118 Ia 262, BGE 117 Ia 47 f., 456 f. mit Hinweisen). » Jurisprudence assez restrictive tout de même. Mais il serait intéressant d’entendre le TF trop rarement saisi en matière de scrutins fédéraux depuis qu’il est compétent (2007 si je ne fais erreur). Qu’en pensez-vous?

  2. JCM dit :

    Merci ! je vais regarder cet arrêt et les renvois en détail. Les droits politiques, c’est effectivement ce qui vient en premier lieu à l’esprit dans le contexte d’une votation. Mais le TF étant restrictif et sa jurisprudence se focalisant (il me semble) plus sur le contenu que sur la méthode. A suivre !

  3. Alex dit :

    Je viens de lire le passage que Michel Besson consacre dans sa thèse (« Behördliche Information vor Volksabstimmungen », Berne 2003, p. 355ss) au sujet. Il déduit de la jurisprudence deux conditions cumulatives : premièrement, une information erronée sur un fait essentiel; deuxièmement, le fait que cette information doit intervenir peu avant le scrutin et ne peut être rectifiée. Il cite quelques exemples de jurisprudence, notamment l’arrêt 102 Ia 264 (intervention illicite lors de la réélection d’un juge) et 98 Ia 73 (votation scolaire à ZH) mais les scrutins n’ont jamais été annulés. Besson critique le facteur temporel en raison du vote par correspondance généralisé (p. 364-365).
    En l’espèce, c’est le procédé qui est trompeur mais pas l’information en elle-même. C’est un premier obstacle. Reste que la jurisprudence en matière de votations fédérales reste en partie à élaborer même si Mon Repos s’inspirera sans doute de ce qu’il a fait en matière cantonale ou communale…

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