
Notre Sieur et l’huissier, sémantique et terrorisme, politique familiale et criminalité
Trois sujets qui n’ont absolument, mais vraiment rien à voir l’un avec l’autre ce soir. Trois sujets trois idées au fil de l’actualité. Notre Sieur et l’huissier tout d’abord. Ainsi Pictet et Lombard ont-ils fait leur coming out commun envers le passage en SA. Main dans la main – et à la télé, mais avec davantage la mine de Vercingétorix rendant les armes et langue de bois protestante, que celle de l’enthousiasme de la marche vers la banque du futur. En termes de com, il y avait vraiment mieux à faire – puisqu’il y a sûrement de très bonne raisons de devoir abandonner ce charmant, historique, pittoresque mais désuet statut d’indéfiniment responsable. Outre la raison officielle d’un monde bancaire global requérant une consolidation financière quelques autres : une fiscalité probablement sensiblement moindre, comme relevé par Le Temps, une difficulté chronique à trouver des successeurs capables, et éviter de devoir aller à la poste de son domicile chercher des commandements de payer x fois par an. En société de personnes, toute prétention exprimée ou interruption de prescription doit l’être contre tous les associés – signifiant des commandements de payer personnels. Or une banque gérant des centaines de milliards s’expose nécessairement, même sans être active dans la banque commerciale, à des risques et prétentions pouvant se chiffrer en dizaines voire centaines de millions. Une telle limitation de responsabilité, dans un monde et une finance de plus en plus complexes, va de soi. Pas compliqué mais pas génial à dire ?
Sémantique et terrorisme – ou n’est pas terroriste qui veut. Pour être aussi simplificateur que médias et politiques, le terrorisme c’est mal. Très bien. Mais qui est un terroriste et qui décide qui est un terroriste ? Un rebelle n’est pas automatiquement un terroriste. Et rebelles et terroristes d’hier sont parfois les présidents et prix Nobel de demain. Chaque régime en danger, a fortiori s’il est autoritaire ou autocratique, voit en chaque rebelle ou même opposant un terroriste. Les autres Etats ont leurs accointances et intérêts de politique extérieure, et désignent unilatéralement, désormais souvent par le jeu de listes arbitraires, qui sont des terroristes. Et les médias de leur emboîter le pas avec bien peu d’esprit critique et un recyclage en boucle des positions officielles. Avec le Mali, l’Afghanistan et le Pakistan, la Syrie, il y en a des terroristes ces temps ! Et la finance d’être touchée par cette profession de foi – le financement du terrorisme c’est mal et il faut l’empêcher dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Mais qu’est-ce au juste que le terrorisme ? Y en a-t-il même une définition précise et communément acceptée ? Certainement pas – et ce à quoi s’ajoute que les actes tombant sous une acception générale du terme sont tous des crimes en droit commun. Pour un aperçu de la difficulté sémantique de la notion ne serait-ce que sur Wikipedia. Assez donc avec les simplifications, les terroristes prétextuels et les étiquettes unilatérales.
Article constitutionnel sur la famille enfin – qui sera voté (ou non) le 3 mars. Le débat est largement à l’arrière-plan de celui sur l’initiative Minder – comme quoi l’argent fait davantage recette que la famille. Une dimension politique sociétale : la famille est-elle une valeur qui mérite sa place dans la norme suprême ? Une dimension politique générale et budgétaire : chaque profession de foi de ce type est très bien, il ne coûte rien d’être d’accord, mais combien ça va coûter en vrai – et le voulons-nous ? Franchement, après avoir accepté l’article constitutionnel sur la musique, il semble difficile de ne pas accepter celui-là – et à quand un article constitutionnel sur les loisirs ou les jeux de société ? Et les slogans réducteurs et stupides comme dans tout bon débat démocratique : non à l’étatisation des enfants ! Pour un peu nous serons bientôt la Corée du Nord. Mais plus sérieusement pour conclure un point un peu étonnamment absent du débat : le lien entre la famille et le taux de criminalité. Or plus dans une société la cohésion sociale est forte, ce qui passe par la qualité du tissu familial et la présence des parents, moins la criminalité est élevée et moins le système est répressif. Peut-être cela aurait-il été ouvrir un vaste et polymorphe débat, polluer celui sur la famille par celui, plus acrimonieux, sur la criminalité et la répression, mais la vérité est pourtant là : en termes de lutte contre la criminalité, la qualité de la vie de famille est en amont un facteur infiniment plus efficace que la répression. Simple et facile à dire.