La disqualification de Bernard Stamm au Vendée Globe – ou le droit du sport n’existe pas

Posté le 2 janvier, 2013 dans sport / sportlaw

Ainsi Bernard Stamm a-t-il été disqualifié pour avoir reçu une assistance extérieure contraire au règlement de la course, semble-t-il pour partie contre son gré, pour partie pour sauver son bateau et réparer ses génératrices lesquelles sont un facteur de sécurité également. Son appel sera examiné demain – et certains de ses concurrents lui ayant exprimé leur soutien et la considération qu’il était important pour tous que les bateaux finissent, entendez par-là pour valoriser leur effort et le classement, et envers les sponsors. Réflexion générale et sensée, comme les suivantes, mais peu juridique. Quid tout d’abord s’il avait été en tête de la course – et que cette disqualification profitait dès lors aux suivants ? Leurs sponsors paient pour viser la victoire, en prennent le pari dont le gain est ses retombées médiatiques. Quant à la réflexion consensuelle de Café du Commerce que l’infraction ne « mérite pas » la disqualification, elle est sûrement juste en bon sens et équité – mais pas juridique non plus. Quid lorsque le risque est le naufrage ? Le règlement est-il le règlement au point que la seule alternative soit le naufrage, avec tous ses risques et conséquences humaines et économiques, ou la disqualification ? Critiquer le cas échéant le règlement est prospectivement une bonne chose – mais qui ne résout pas l’incident actuel ni ses conséquences. Sera-t-il tranché selon le « droit du sport » ? Mais, problème supplémentaire, lequel n’existe pas ?

Boutade ainsi à une époque à laquelle le sport vit dans une meilleure gouvernance et un meilleur encadrement juridique qu’il y a vingt ans – mais le droit du sport n’existant pas pour autant. Le sport est en revanche soumis au droit dans son ensemble, ce qui inclut en vrac le droit du travail, le droit des contrats, les libertés individuelles et droit de la personnalité, les libertés fondamentales de manière générale et en matière disciplinaire et sanctionnelle particulièrement. Une application du droit qui doit tenir compte des spécificités du sport – mais application du droit tout de même. Pour le meilleur et n’en déplaise à ceux qui regrettent l’époque de décisions despotiques, prises au nom de la morale sportive fluctuante et commodément indéfinie, ou sur la base d’intuitions ou simplement d’amateurisme juridique – lesquelles ont desservi le sport davantage que l’inverse. Pour Stamm comme pour des milliers d’autres décisions de ce type, les principes suivants doivent entrer en ligne de compte mais ne seront probablement qu’effleurés : les règles et statuts en cause ont-ils un caractère civil ou administratif, font-ils intervenir la notion de faute, la notion de proportionnalité joue-t-elle un rôle défini ou de lege, s’agit-il d’une responsabilité objective, quid de la présence ou de l’absence ou de la nécessité d’un avantage en termes de classement/performance ayant résulté de la violation du règlement, quid encore d’un état de nécessité ou de force majeure ?

Ces questions sont complexes, auront des conséquences sportives et économiques importantes, et cela a fortiori que le délai de prise de la décision puis de son appel est très court. L’instruction des faits est sommaire et sans la présence du contrevenant qui navigue à x milliers de kilomètres au péril de sa vie et en ne pouvant consacrer qu’un temps et une attention limitée à la « procédure », et alors que ses moyens de communications sont limités également. Difficile mise en balance encore entre ses droits et intérêts avec ceux des autres concurrents n’ayant pas commis d’infraction, souvent oubliés en pareille situation, avec leur droit au classement qui en résulte pour eux. Pas simple. Et entraînant qu’il est probablement difficile de penser que la décision sera rendue en pleine harmonie avec le droit. Du sport ou pas.

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