LA FINMA – TOUJOURS UNE FICHUE BLACK BOX… AVEC LA MALHEUREUSE BENEDICTION DU TAF

Posté le 23 mai, 2016 dans finance / eco

La FINMA demeure une Black Box – ce qui demeure problématique. Elle est censée protéger le public, soit l’épargne publique confiée à des banques et caisses qui font appel au public. Son fonctionnement et ses conclusions restent paradoxalement opaques quant aux défaillances d’acteurs du marché. Mais pas seulement. On se souvient de la résistance opposée au juge d’instruction qui instruisait l’affaire de la BCGe, son traînage de pieds à lui remettre son dossier, et son recours au Tribunal fédéral pour résister à remettre ses notes internes (cf. ATF 129 IV 141). On se souvient du premier pompeusement nommé « Rapport 2014 sur l’enforcement » publié avec fifres et tambours l’an dernier, mais qui n’apprend rien de concret, ne nomme pas les acteurs concernés dans l’essentiel des cas, et est un parangon de langue de bois (cf. ce blog). Hélas, le « Rapport 2015 sur l’enforcement » ne vaut pas mieux : les modus operandi sanctionnés ne sont qu’à peine décrits, leur ampleur économique ou les dommages en cause ne le sont pas, et le public ne sait toujours pas, hors les cas où les médias ont pu jouer leur rôle par d’autres sources, s’il a son épargne dans établissement sanctionné ou problématique. L’exercice statistique offre un petit intérêt mais sans indications ni recherche quant à la prévalence de comportements critiquables. En 2016, tout cela n’est plus justifiable. C’est à la fois un problème de législation, et de mentalités qui en découle, puisque la FINMA est la seule autorité fédérale de surveillance qui est soustraite au « freedom of information » de la LTrans. Selon le Message et sans autre motif, « … la CFB opère dans un domaine extrêmement sensible du point de vue tant économique que politique. Il paraît dès lors justifié de faire de la CFB la seule autorité de surveillance faisant partie de l’administration fédérale décentralisée à bénéficier d’une dérogation au champ d’application de la loi sur la transparence ».

Ce postulat politique datant de 2003, dans un secteur ayant connu des changements majeurs depuis, est dépassé. Le résultat est comme toujours une infiniment moindre accountability lorsqu’une autorité ne rend pas de comptes publiquement. Malheureusement, le Tribunal administratif fédéral a rendu en juin 2014 un arrêt de la même veine – faux tant dans le raisonnement que dans la prospective (JdT 2015 I 251). Le TAF analyse les obligations de la FINMA envers des autorités pénales, ce qui est très bien – mais l’affaire concernant un ordre émanant d’un tribunal civil… Puis, le TAF pose que les autorités administratives ne sont pas subordonnées aux tribunaux – mais sur un pied d’égalité résultant de la séparation des pouvoirs. Sauf base légale, un tribunal civil ne peut donc contraindre une autorité à collaborer à l’administration de preuves. Ce serait à celle-ci d’en décider, alors soumise à son pouvoir hiérarchique. Mais le TAF admet pourtant que les documents indispensables à la résolution d’un litige peuvent devoir être produits s’ils présentent un rapport de connexité étroit avec le litige. S’ils sont « indispensables à sa résolution », ils le sont par définition… Le TAF examine ensuite le conflit apparent entre le CPC, loi fédérale, et la LB, loi fédérale. Il le résout en faveur de cette dernière au motif qu’elle vise à la surveillance des banques, que ce qui en relève ne protège pas directement des intérêts particuliers, et ne peut donc servir à la résolution d’un litige civil opposant par essence des intérêts privés.

Cette vue est rétrograde, fausse et dommageable. Le litige opposait un particulier à une banque, donc à un assujetti à cette surveillance, à raison de faits simultanément objet d’un rapport de la FINMA. Le lien de connexité est donc patent – et c’est au tribunal civil d’apprécier l’impact éventuel de constatations administratives sur des prétentions civiles. Difficilement imaginable, s’agissant d’une enquête terminée, qu’il en résulte un dommage pour la surveillance. Si la constatation d’une violation d’une norme administrative participe simultanément de celle d’un droit civil, ou a une portée contextuelle à cet égard, il n’y a pas de raison qu’elle ne soit pas accessible au juge civil. La position du TAF entrave donc la réalisation de la justice civile, et a fortiori que le particulier ne peut pas non plus se procurer ce rapport selon la LTrans. Les arguments de la FINMA sont vains et d’une insigne mauvaise foi. Ce pourrait être mal compris par les assujettis et pris pour une prise de position dans un litige civil ? Non puisqu’elle défèrerait à l’ordre d’un tribunal civil, qui en tirera seul ses propres conclusions. Ce ne serait pas « compatible » avec la surveillance des marchés ? Cela est simplement affirmé, non-substancié et faux. Cela compromettrait la collaboration des assujettis aux enquêtes ? Faux puisque la FINMA dispose d’un pouvoir d’enquête. Que le TAF dise enfin que la collaboration avec le tribunal civil doit être rejetée parce que la FINMA peut en toute autonomie autoriser la consultation d’un rapport par un particulier si cela ne compromet pas ses objectifs de surveillance est hypocrite et jésuitique : la FINMA ne l’autorise pas dans la réalité et le fantasme d’une atteinte à la surveillance est précisément l’alibi du problème qui lui était soumis. Bref, une bien mauvaise décision et le TAF minant-là l’efficacité de la justice toute entière sur des motifs qui sont plain wrong. A revoir.

 

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