La grande auberge espagnole du nouveau Code de procédure civile suisse : Part II – à J moins 2

Posté le 30 décembre, 2010 dans droit / law, justice

Part II à deux jours de notre révolution. Trois points en lien avec l’aspect pratique de la procédure, ce que le justiciable – et non le juriste – en attend. La procédure pour les cas clairs tout d’abord. La justice est d’une lenteur exaspérante. Et que le justiciable ne comprend pas, alors qu’elle est un service public et que nombre d’entre eux ont notablement amélioré la simplicité et la rapidité de leurs prestations. Le lenteur de la justice est pour partie incompressible mais pour partie compressible. Par une meilleure gestion des procédures et le fait de conserver le principe de célérité à l’esprit, et de l’appliquer. Cela doit être une préoccupation pour les avocats et les magistrats – car la raison principale de la détestation de la justice par celui qu’elle sert pourtant, le justiciable. Comme déjà évoqué ici il ne comprend pas qu’il faille une heure pour acheter une voiture, neuf mois pour faire un enfant, un an pour construire un immeuble – mais deux-trois ans de procédure pour faire lever une opposition, et de même pour obtenir un jugement au fond quand il fait valoir une créance contre un partenaire, un tiers, une assurance, etc. Et d’où l’immense attente qu’il faut placer dans la procédure pour les cas clairs (art. 257). Ses conditions – un état de fait non-litigieux ou susceptible d’être immédiatement prouvé, et une situation juridique claire – sont largement sujettes à interprétation. Il faudra que les juges aient le courage de l’appliquer, de prendre leurs responsabilités, de ne pas renvoyer à la procédure ordinaire trop facilement. Que le défendeur sans moyens raisonnables ne puisse plus tabler sur la simple durée de la procédure ordinaire. Ce qui sera alors un progrès pour la justice et pour le justiciable.

Autre point, le CPC reste continentalement fondé sur l’apport de la preuve par celui qui allègue un fait. Mais avec une obligation de collaborer renforcée. Ce qu’il en adviendra en pratique sera fondamental dans le règlement des litiges modernes. Dans l’ancien système genevois, le juge pouvait tenir un fait pour avéré lorsque la partie adverse ne produisait pas une preuve qu’elle détenait. Ce principe n’a quasiment jamais été appliqué. Le défaut était ainsi qu’une partie ayant raison au fond mais dépendant d’une preuve détenue par son adversaire n’avait aucune chance de gagner. A l’autre extrême la discovery anglo-saxonne – par laquelle, cauchemar inverse, les parties commencent par se demander tous les éléments qu’elles détiennent. Le fondement est juste : mettre sur la table tous les éléments déterminants pour la solution du litige, y compris ceux détenus par l’adversaire. La réalité est moins idéale : la discovery tend vers une side war préliminaire représentant un enjeu, une nuisance en soi – et d’un coût élevé en temps et en argent. L’obligation de collaborer tendra-t-elle vers une discovery ? La jurisprudence le précisera mais il y aura nécessairement des tentatives. L’essentiel est que cette obligation ne bute sur l’absence de preuve que la partie requise détient la preuve qui lui est demandée. Dans les systèmes anglo-saxons, celui qui ment dans sa réponse est exposé pénalement. Ce que les tribunaux suisses feront de l’art. 167 CPC sera crucial. L’intervention de la force publique pourrait-elle aller jusqu’au civil search warrant ? Le texte ne semble l’exclure – même si ce n’est pas dans notre culture. Si l’application de l’obligation de collaborer permet à celui qui dépend d’une preuve détenue par l’adversaire de gagner, soit par l’obtention de cette preuve, soit par l’appréciation des preuves au détriment de celui qui refuse de la produire, alors elle sera un progrès.

Dernière réflexion sur les mesures provisionnelles – et dans la ligne de la première. Les art. 320 ss. LPC permettaient de bien plus amples mesures que sollicitées – et octroyées, soit hors les cas devenus traditionnels. Il y avait là une formule générale opportune « … toute autre mesure justifiée par les circonstances… ». Mais rarement employée dans toute son ampleur, de par la frilosité résultant de l’interdiction, et donc de la crainte, de vider par anticipation le fond du litige de sa substance, ou d’accorder une sorte d’exécution anticipée. Et de la crainte associée de donner à une partie un trop large avantage sur l’autre à un stade encore provisionnel – puisque celui qui les obtient tient alors souvent le couteau par le manche dans l’économie du litige. Or les mesures provisionnelles, leur rapidité, leur efficacité, leur flexibilité, sont précisément une réponse que le justiciable attend de la justice. Permettre à celui qui a la vraisemblance du droit et/ou du fait pour lui de se préserver d’un dommage et/ou de devoir subir la durée de la procédure au fond que lui inflige son défendeur. Il faudra donc que les nouvelles définitions, de l’art. 262, soient appliquées largement – et non restrictivement. Et que les avocats les utilisent créativement. D’autres systèmes connaissent de plus amples mesures, notamment in rem ou ad personam, qui sont à la fois flexibles, efficaces, et ne dévoient pas le fond du litige.

une réponse à “ La grande auberge espagnole du nouveau Code de procédure civile suisse : Part II – à J moins 2 ”

  1. […] détient jusqu’à la dernière goutte – et qui devient une guerre dans la guerre (cf. ce blog du 30 décembre). La discovery électronique était vue comme un immense progrès, par le tri électronique […]

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