L’article de Jérôme Gurtner dans l’AJP/PJA 2/2019 résume une fois de plus très bien une situation complexe et parfois commentée de manière trop lapidaire. L’ATF 144 II 147 est crucial pour la profession d’avocat : il bannit tout associé ou actionnaire non-avocat. Cela ne bannit pas le « one stop shop » – lorsque comptable, fiscaliste ou autre sont des auxiliaires, soit des employés, mais les bannit comme associés à un ou des avocats. Gurtner est clair : le Tribunal fédéral applique la loi – qu’elle soit souhaitable ou non n’étant pas la question, mais celle du législateur. De là, on fait quoi ? Dans certains cantons, cet arrêt est ignoré. C’est mauvais joueur, et une distorsion de concurrence. La loi, la LLCA, vaut pour toute la Suisse, et il n’y a pas de place pour des pratiques différenciées. Et, surtout, c’est dangereux à de nombreux égards pour ceux et les clients de ceux qui sont en contravention avec la solution du Tribunal fédéral – qui constitue l’état du droit. Faut-il changer la loi ? La question est elle aussi complexe.
Premièrement, du temps passera avant une modification, complète ou partielle, de la LLCA. Ce sujet n’intéresse que modérément le parlement et une véritable loi sur les avocats n’interviendra probablement pas avant longtemps. Ensuite, une partie de la corporation n’estimera pas souhaitable de tenter d’aménager les notions de secret et d’indépendance qu’elle juge cruciales i) en tant que telles, et ii), il faut bien le dire, en termes de concurrence envers des prestataires juridiques non-avocats. Un noyau dur de la corporation ne voudra pas, en outre, risquer une modification qui ouvrirait alors la porte, par identité de motifs ou d’aménagements, à l’inscription au tableau des titulaires du brevet d’avocat travaillant dans des fiduciaires, des assurances de protection juridique, des banques, etc. Si la multi-disciplinarité va dans un sens, elle peut alors en toute logique aller aussi dans l’autre.
Y a-t-il d’autres solutions ? Après tout, il ne s’agit que d’un seul problème pour ceux qui le soulèvent : ne pas pouvoir s’associer avec des non-avocats. S’il faut s’associer avec eux, c’est que le problème est la qualité d’employé qui en fait des auxiliaires – qui ne leur convient pas. C’est donc… une simple question d’argent et de partage des recettes d’un conseil consolidé. L’Etude d’avocats possèdera-t-elle alors par exemple une personne morale distincte qui regroupera les services en question, permettant l’intéressement suffisant, dans cette entité, desdits prestataires ? C’est une première piste. Dans l’intervalle, ceux qui bravent l’ATF 144 mettent en péril certains intérêts supérieurs et de principe de la profession.