L’avocat défend qui il veut contre qui il veut – pour le bien de tous et de tout le système

Posté le 5 mai, 2010 dans avocats / advocacy

Tout le monde le sait bien ou au moins intuitivement – mais pourtant toujours et régulièrement, certains se demandent pourquoi, comment ou critiquent que des avocats défendent des méchants, du pire violeur assassin à Bernard Madoff, en passant par un nazi, les casseurs des manifestions du G8 ou de l’OMC, un prêtre pédophile, un terroriste ou même encore simplement un mari violent qui s’oppose au divorce ou le voisin de mauvaise foi qui s’oppose abusivement à une autorisation de construire. De manière plus éloignée des droits de la défense pénale, il est de même régulièrement questionné, sur un ton de petite réprobation de microcosme, pourquoi un avocat attaque les banques en Suisse qui sont le (un) pilier de notre prospérité, plaide pour un dictateur contre notre pays, qui est un Etat de droit, ou plaide pour des agitateurs politiques ennemis de l’ordre établi ou d’une honorable multinationale. Chez nous, la question ressort simplement de temps à autres. Dans d’autres pays certains avocats paient encore de leur vie ou de peines de prison l’exercice des droits de la défense de leurs clients, par exemple en Russie (Sergueï Magnitsky mort dans une prison de Moscou en 2009) ou en Chine. L’avocat de Madoff a reçu des menaces de mort – mais est libre d’exercer les droits de la défense. Dans le même ordre d’idée, la Suisse est membre de la CEDH et, dans le cadre de sa présidence tournante du Conseil de l’Europe, pilote actuellement les travaux d’amélioration du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme.  Elle fait un travail considérable en ce sens – alors qu’elle y perd et y est régulièrement sanctionnée.  Tout cela participe de l’Etat de droit lequel postule lui-même un équilibre entre des droits contradictoires exercés librement, comme l’équilibre des tendances politiques est nécessaire à la démocratie.

Il peut être écrit des milliers de pages sur la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, et les vertus inégalées et la nécessité de l’Etat de droit, tant sur un plan concret que philosophique. La qualité de la justice pénale, du système politique, du système financier, de la société, réside dans la libre contradiction et dans le libre exercice des droits en justice, dans la faculté de poursuivre comme de défendre ceux qui ne respectent pas la loi ou leurs obligations. A ce titre l’avocat défend qui il veut contre qui il veut, au gré de sa seule conscience. Dans ce sens un article de Michael Mukasey dans le WSJ sous le titre « Why You Shouldn’t Judge A Lawyer by His Clients ». Dont l’intérêt plus particulier réside dans le fait qu’il a été longtemps juge puis en fin de compte Attorney General des Etats-Unis, en réalité ministre de la justice, de 2007 à 2009, le dernier de l’ère (G. W.) Bush. Et critiqué pour certaines de ses positions sur Guantanamo, sur l’usage de la torture, etc. Au-delà des questions de principe, sa conclusion est intéressante parce que le Department of Justice a été précisément critiqué pour avoir engagé des avocats ayant précédemment représenté des détenus de Guantanamo. Mukasey conclut comme suit : « If the Department of Justice comes to attract only lawyers who have spent their professional energy principally in avoiding matters of controversy, the quality of lawyers willing to serve the Department will decline, and the Department will suffer as will we all .» En d’autres termes, l’avocat exerçant les droits de la défense doit les exercer pleinement, librement, et celui exerçant ceux de l’accusation doit le faire avec la même liberté et la même plénitude. Et, pour lui, ce que savent faire ceux qui se sont engagés. En France l’expression était plus triviale : « Aux petits avocats les petites canailles, aux grands avocats les grandes canailles »

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