Le TF a toujours raison, quelques statistiques – mais serait-il mauvais perdant?

Posté le 28 octobre, 2010 dans justice

Une petite phrase, à l’air presque anodin mais qui ne l’est pas, et choque, dans le rapport de gestion 2009 du TF. Mais d’abord quelques mots et chiffres. Le Tribunal fédéral a toujours raison. C’est ce que disent les avocats à leurs clients. Il est l’instance suprême, ses décisions sont définitives, sa jurisprudence fait foi. Même si elle peut naturellement évoluer – ou est parfois plus casuistique ou moins homogène que les seuls arrêts publiés le laiss(ai)ent montrer. Le TF a donc toujours raison, comme le chef même quand il a tort dans les règlements d’ateliers (art. 1 le chef a raison, art. 2 le chef a raison même quand il a tort, etc.). Plus sérieusement, quelques chiffres qui frappent – parmi d’autres. Et bien sûr les statistiques, les chances statistiques de gagner – ce qui intéresse les avocats. Il nous a été assez remâché au temps du sévère recours de droit public que sur l’arbitraire constitutionnel, seuls quelques malheureux pour-cents des recours étaient admis. Sous-entendu pesez bien l’opportunité de faire ce recours. En 2009, ainsi, sur 7’242 causes liquidées, 827 recours ont été admis, soit 11,4%, 289 ont fait l’objet d’un renvoi, soit 4%, 2’336 ont été déclarés irrecevables, soit 32%, et 3’432 rejetés, soit 47,4%. Donc 11,4% de recours admis et, avec 4% de renvois, environ 15% d’arrêts dans lesquels la cour cantonale ou l’autorité fédérale inférieure s’est trompée. Intéressant. Sur la comparaison admis/rejetés, sans les irrecevabilités et les renvois, le ratio n’est pas si pire puisqu’il « remonte » ainsi à environ un pour quatre (827 contre 3432), soit 20% d’admissions. Ensuite, un point plus problématique – celui des décisions prises par voie de circulation.

Sur les 7’242 causes liquidées en 2009, 2’144 l’ont été par un juge unique (29,6%). Soit essentiellement des recours d’entrée irrecevables. Mais surtout seules 76 causes, 1%, l’ont été en séance. 5’022 causes, soit 69,3% ont été tranchées par voie de circulation, 4485 par trois juges et 537 par cinq juges. Ce qui est contestable, en conjonction avec l’aveu fait par ailleurs dans le rapport que pour éviter son engorgement, le TF liquide certaines causes sans pouvoir leur consacrer le soin qu’il faudrait normalement. Le droit est une science humaine – et la justice aussi. Un juge ou plusieurs peuvent par hypothèse renverser le rapporteur ou le greffier-juriste ayant préparé la solution, mais le débat, consensus comme dissension, perd par l’absence d’immédiateté. Les avocats le savent bien pour débattre constamment, et les juges, juristes également, doivent bien le savoir aussi.

Dernier point – celui qui fâche – en page 14 du rapport. Le TF prend tout d’abord acte de cinq constatations par la Cour européenne des droits de l’Homme de violation(s) de la CEDH, sur sept cas, par des arrêts qu’il a rendus. Dont acte. Le TF a toujours raison, mais lorsque la Cour a raison, c’est elle qui a raison. Mais le TF rouspète alors contre un cas dans lequel son arrêt de (refus de) révision de retour de la Cour a été à nouveau sanctionné par la Cour. Et de se plaindre que finalement les Etats membres ayant prévu une voie de révision sont moins bien traités que ceux qui n’en ont pas !!! Cette phrase n’est pas acceptable. Le fait de respecter les arrêts de la Cour est une obligation pour les Etats membres, avec suivi par le Comité des ministres. Qu’une voie formelle de révision existe ou non – et au crédit des Etats qui l’ont prévue. Venir dire ainsi qu’au fond il n’aurait pas déjugé une seconde fois si la voie de révision n’existait pas, et que cela est problématique notamment par rapport au fait que tel n’aurait pas été le cas si la voie de révision n’existait pas ou par rapport aux Etats n’ayant pas institué de voie formelle de révision, est défiant de la Convention, d’une obligation internationale de la Suisse, et de l’une des plus fondamentales en matière juridique. Que l’affaire en question ait été particulière n’y change rien et n’autorisait certainement pas ce commentaire incompréhensible. Lorsque la Cour a raison, c’est elle qui a raison !

une réponse à “ Le TF a toujours raison, quelques statistiques – mais serait-il mauvais perdant? ”

  1. […] et de fiabilité raisonnables (sur les statistiques cf. ses rapports de gestion, ce blog et ce blog). Il n’est pas confiné à la juridiction constitutionnelle et sélectionnant les affaires […]

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