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Les skieurs de Coupe du Monde sur des skis moins performants que ceux vendus au public ? Rébellion des stars du ski et mauvais exemple de dialogue et de gouvernance de la part de la FIS

Fâchés les skieurs de Coupe du Monde ! Et ils le disent en termes crus, ici Ted Ligety [1] géantiste mythique sur son blog, ici la star du Freeride reconverti géantiste Jon Olsson [2] sous l’aimable commentaire « FIS Sucks » (et le courage de le dire !), ici l’ensemble des athlètes dans le Pressemitteilung FIS Athleten-Kommision [3] et leur letter to FIS [4]. Par opposition le communiqué de la FIS elle-même [5] – dont l’attaché de presse qui l’a rédigé a dû être recruté chez Chine Nouvelle ou à l’Agence Tass tant il est lénifiant dans le fond comme dans la forme. L’objet de la discorde : les modifications réglementaires pour la saison 2012/2013 qui allongent les rayons minimas des skis de course. Rendant les skis moins taillés et plus droits, ils carvent moins, dérapent plus. Cela vise donc à diminuer le risque d’accident en augmentant le dérapage, qui est un frottement et donc une dissipation d’énergie cinétique, et donc un ralentissement de la vitesse de passage en courbe. Cela réduit donc aussi la force exercée sur les articulations par le poids du skieurs en courbe d’un ski ancré sur son arc et qui ne dérape pas, ce qui cause des lésions même sans chute. Cela réduit enfin l’effet d’éjection du ski taillé ancré dans sa courbe lorsque le skieur commet une faute de répartition du poids ou ne tient plus la force d’ancrage de son ski. Fort bien – et la FIS de citer un rapport scientifique de l’Université de Salzbourg mais qu’elle ne rend pas public.

Premier problème de gouvernance et de droit de l’association toutefois : la FIS n’a pas consulté… l’association des athlètes qui sont pourtant ceux qui risquent leur santé sur les pistes, font le show et, in fine sont l’actif principal de la Coupe du Monde – et de son chiffre d’affaires ! Incompréhensible mais symptomatique du déficit de concertation, de consultation et de démocratie interne qui y règne (cf. l’amende de Didier Cuche en mars 2011 [6] et sur ce blog [7]). Sur le fond et donc la sécurité, quels sont les arguments des skieurs ? Les skis moins taillés sont moins faciles à skier et réduisent le spectacle ou en tout cas ne leur plaisent pas ! (cf. Jon Olsson [8]) Cela les oblige à modifier la technique acquise avec les skis taillés et in fine à revenir en arrière. Seuls les skieurs athlétiques auront assez de force pour les inscrire sur leur arc, au détriment des petits gabarits, mais argument contesté par d’autres qui estiment que ceux-ci pourront au contraire à nouveau faire valoir leur technique en drift (conduite dérapée) plutôt qu’en force. Mais surtout cela donne en fin de compte à l’élite des skis moins performants que ceux, taillés, de race-carve, accessibles aux amateurs et compétiteurs de ligues inférieures, ce qui est anormal. Des problèmes de transition obligeront encore à changer de rayon de ski entre la Coupe du Monde/Coupe d’Europe et les courses internationales FIS, ce qui est difficile.

Y a-t-il d’autres moyens pour réduire autrement la vitesse en courbe, ne pas sacrifier le spectacle et revenir technologiquement en arrière, et éviter autrement les contraintes physiques et le décrochage des skis taillés, et éviter les chutes sur de la neige en béton et les lésions tête/bras/hanches qu’elles causent ? Il y en a en réalité. Le traçage des parcours pourrait en géant être optimisé pour augmenter légèrement la sinuosité, diminuer la vitesse, et par endroits, avec une meilleure utilisation du terrain, pour réintroduire des transitions et du dérapage. En descente et super-G, mais aussi en géant, une modification des tissus des combinaisons diminuerait leur glisse et ainsi la vitesse de quelques km/h importants en termes de sécurité sans altération du show. Il n’y a plus de marge pour faire tourner davantage les descentes actuelles, ce que certains critiquent également – et l’allongement des rayons des skis en descente est moins problématique. Mais de  rappeler qu’en descente et en super-G, la vitesse actuelle de sortie de courbe rend certains sauts presque criminels ou en cas de faute du skieur – ce qui n’a rien à voir avec les skis. Il est contradictoire en tout état que l’élite du ski ne dispose pas du matériel le plus performant produit. Ce débat est essentiel à l’avenir du ski de compétition – et à son attrait pour les générations qui suivent.