L’IMPORTANTISSIME ARRET ZAKHAROV c. RUSSIE DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME – ET AUSSI POUR LA SUISSE

Posté le 18 janvier, 2016 dans droit / law

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu un arrêt très important le 4 décembre en matière de surveillance des télécommunications par l’Etat. Important parce qu’il a examiné la législation russe in abstracto – soit sans que le requérant ait été personnellement victime d’une atteinte, ou plutôt en mesure de la prouver, au motif qu’elle touche tous les usagers soit quasiment toute la population. Important parce que la Cour a pris là ses responsabilités de Cour quasi-constitutionnelle envers la législation d’un Etat membre – parce qu’aucun recours effectif et concret n’existe en droit russe. La Cour n’a pas sanctionné seulement la législation mais aussi l’absence de réelle indépendance de prétendus mécanismes de contrôle – ce qui est un douloureux coup de canif dans la tradition autoritaire historique de la Russie. Cet arrêt est important parce que, comme l’UDC qui veut bannir les « juges étrangers » du paysage judiciaire suisse, Moscou, bonne compagnie bien démocratique pour l’UDC, s’est irrité de cette « ingérence » directe dans son droit interne et a menacé de quitter la Convention. Important parce que, à l’occasion de cet examen de la loi russe, cet arrêt pose la position de la Cour en tant que garante du respect de la vie privée et de la correspondance selon l’art. 8 en matière d’interceptions téléphoniques. Ce qui vaut ainsi pour tout Etat membre. Vaste et très actuel sujet donc – puisque nombre de législations y compris d’Etats membres de la CEDH ne règlent pas encore, ou complètement, la question.

Ce blog a soulevé plusieurs fois qu’il était paradoxal que le monde s’en soit pris si vertement aux Etats-Unis pour sa NSA – alors que c’est un Etat de droit dans lequel les trois pouvoirs ont pour partie pris leurs responsabilités, et le quatrième permis un débat public. Alors que des Etats non-démocratiques portaient atteinte aux mêmes libertés de manière plus concrète pour le citoyen, l’activiste ou l’opposant sans susciter grandes réactions – Iran, Chine, Turquie, Cuba, etc. La Cour pose donc des jalons quant à l’équilibre entre une surveillance nécessaire à la sauvegarde de la sécurité collective, qui est aussi un droit fondamental, et ceux de l’individu qui commandent des garde-fous juridiques et judiciaires, et des voies de droit et de recours. Cela peut sembler évident au juriste moderne d’un Etat démocratique. Cela ne l’est pas pour celui de deux bons tiers du globe. Bémol tout de même, il a fallu neuf ans à la Cour, de 2006 à 2015, pour trancher. Mais avec une unanimité sur le fond qui est à la fois impressionnante, rassurante et légitimante pour cet arrêt. Dans une opinion concordante éclairée et passionnante, et citant à la fois Snowden réfugié en Russie et la Cour Suprême des Etats-Unis n’ayant pas eu le même courage, le juge russe Dedov a exprimé des réserves sur l’action de la Cour par examen abstrait d’une législation nationale et en l’absence de preuve d’une violation dans le chef d’un requérant. Mais le point 4. de son opinion a hauteur et vision : cette question est si importante que l’arrêt devait constater la violation. Chapeau.

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