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No accountability in Switzerland Part N: UBS and Finma toujours – le rapport Adoboli indûment retenu, Libor & Cie et Djokovic et Barclays, et Joyeux Noël et à l’année prochaine !

Ainsi Adoboli a-t-il été condamné à sept ans de prison le 20 novembre. Rien à redire comme évoqué sur ce blog [1] – dès lors qu’il est l’auteur principal à teneur des constatations de la justice. Mais il n’est pas admissible que le rapport de la Finma sur cette affaire, blâmant très largement UBS, n’ait été rendu public que le 26 novembre. Ce rapport était assurément prêt lors du procès d’Adoboli. Même si Adoboli était – en tout cas selon jugement – l’auteur principal, sa défense avait le droit de pouvoir invoquer les constatations du régulateur accablant la banque, ses mécanismes de contrôle, sa culture visant certains types de prises de risques, les encouragements en ce sens. Plaider le contexte voir l’interruption de la causalité – sur la base de ce rapport. Voire y trouver des contradictions avec les chants unanimes des témoins à charge. Le problème de fond en termes de justice pénale est ainsi de savoir si le rapport du régulateur sur les faits qui font l’objet du procès doit être accessible dans celui-ci – et la réponse est assurément oui. La Finma se défendra sûrement de n’avoir pas voulu influencer ou biaiser le procès pénal. Or c’est précisément l’inverse qui se produit – ce qui n’est pas acceptable. Pour le reste UBS réalise l’exploit d’occuper constamment les headlines avec ses affaires. Certains publicitaires diront qu’exposure is key – whatever the exposure. Occuper le terrain, les médias – et a fortiori qu’il y a en Suisse non plus une absence d’accountability mais une véritable culture d’inaccountability. UBS doit payer 1,4 milliards de francs d’amende et cela passe comme un fait divers, un incident, un simple aléa des affaires, une simple provision comptable lissable par le PP. Personne ne sera responsable. Et au rang de ceux qui auraient mieux fait de se taire – ou aurait dû s’exprimer depuis sa cellule de prison : Oswald Grübel.

Dans 24 Heures le voilà qui blâme la Finma [2] : elle aurait pu savoir. Le raisonnement est imparable : le régulateur aurait pu ou dû savoir, donc c’est sa faute – sous-entendu pas celle de la banque. Au moins est-il définitivement cohérent avec lui-même. En termes d’accountability, la banque a apparemment licencié une quarantaine d’employés [3] sur les septante dont des cadres supérieurs qui étaient au courant selon la FSA anglaise – mais ce qui compte est surtout d’éviter que des mises en causes favorisent des poursuites civiles. L’inaccountability sert ainsi un objectif précis : protéger les intérêts de l’entreprise pour ses fautes des réclamations de tiers. Or c’est cette culture-là en Suisse qui est fausse et désastreuse. Alors qu’elle paie déjà 1,4 milliards d’amende, faire valoir cet argument pour ne pas tirer les conséquences des fautes mine l’entreprise et dévalorise la culture du travail et le travail de ceux qui le font correctement – l’immense majorité qui voit leurs résultats gommés ou amputés par les actes de fauteurs et de chefs qui ne sont jamais ou insuffisamment sanctionnés. Ce signal est le pire qui puisse être donné aux employés et au public dans une industrie et une entreprise qui sont en panne de bonne gouvernance et d’éthique. L’accountability est un régulateur efficace dans les environnements qui la consacrent. Mais que la Suisse n’arrive décidément pas à concrétiser. Ainsi une énième fois avec l’UBS, les têtes concernées au plan de la haute direction, de la stratégie et du contrôle ne rouleront-elles pas. Une fois de plus personne ne sera poursuivi, pas même au civil, puisque cela vise « à protéger l’entreprise ».

Et les actionnaires de porter une part de responsabilité même si l’état de la démocratie actionnariale en Suisse ne leur facilite pas la tâche : il seront peu ou inefficaces à se plaindre de la perte ou provision de 1,4 milliards, et à exiger qu’il soit entrepris que des responsables soient recherchés. Si c’est au prix de prétentions civiles supplémentaires de tiers visant à obtenir réparation de fautes, so be it – il ne peut rien y avoir à redire à cela dans une société et un système de droit dans lequel en principe les fautes se réparent. Une dernière image dans ce registre qui a choqué : celle de Djokovic au Masters de Londres soulevant une immense coupe toute enrubannée de Barclays sous des confettis Barclays dans une arène Barclays. Quelques mois après l’audition de Bob Diamond devant le parlement pour le même scandale et une amende d’un demi-milliard. Djokovic est payé pour jouer et son rôle est sociétalement formaté : jouer au tennis, remercier les sponsors, embrasser une belle coupe enrubannée et dire quelques banalités. Aurait-il dit que cela lui posait un problème d’être l’otage de cette opération d’image de cette banque en l’état de ses turpitudes qu’il se serait probablement vu sanctionner disciplinairement, imputer une violation de ses obligations contractuelles de participant au tournoi, voire aurait suscité l’incompréhension du public. Un sportif peut-il aliéner sa liberté d’expression contractuellement, qui plus est par clause d’adhésion ? Jolie dissertation juridique de Noël pour ceux que cela amuse. Dans l’intervalle le sponsor la banque paie pour qu’il soulève cette coupe devant les caméras. So just do it and say nothing. Exposure is exposure. Joyeux Noël et à l’année prochaine.