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Politique (française) et droit pénal : Une fatalité – et la Suisse dans tout ça ?

Au hasard et dans le désordre, Emmanuelli, Juppé, Chirac, Tibéri, Carignon, Tapie, Areckx, Woerth, DSK, Sarkozy, Cahuzac et j’en passe,  mis en cause, inculpés ou condamnés, puis de retour – ou non – dans la vie publique. Les infractions ne sont pas identiques mais toutes tournent autour de l’argent – occulte. Financement politique, fiscalité, corruption, trafic d’influences, prestations fictives, fausses factures. Avec postures politiques, langue de bois, mensonges et/ou faux témoignages. La politique est-elle un monde tel qu’il est impossible d’y réussir sans mentir ni prendre des libertés avec la loi ? Ou l’appartenance aux élites entraîne-t-elle un fantasme de toute puissance ou des protections – mais la liste des poursuivis démontrant qu’il y a des limites à y croire ? Y a-t-il un clivage nord-sud ou protestant catholique – plutôt que de bord politique – sur ce sujet ? N’y aura-t-il enfin plus un jour de politiciens délinquants ? L’affaire Cahuzac est simplement hallucinante par ses ingrédients : des faits aux mensonges à l’illusion de penser qu’il s’en tirerait ou pouvait accepter son mandat dans ces conditions, à menacer Mediapart de poursuites comme part du mensonge et engager et tromper avocats et communicants pour le soutenir, après avoir juré devant l’Assemblée Nationale ! Même un scénariste de fiction n’aurait pas osé. Cette affaire est cela dit typologiquement similaire à celle d’Eric Woerth, pourtant de l’autre bord, qui pensait pouvoir s’attaquer au secret bancaire et se faire parangon de la vertu fiscale – alors que sa femme travaillait pour le family office de la femme la plus riche de France (cf. ce blog en 2010 [1]) et qu’il venait en Suisse trésorier de la campagne taper les exilés fiscaux français de Suisse. Au-delà du psychodrame que provoque Cahuzac et de l’exploitation politicienne de cet incident comme de tout autre, au-delà de la réponse politique qui y sera ou n’y sera pas donnée, ces questions de for intérieur interpellent. Et la Suisse dans tout ça ?

Schadenfreude naturellement – comme pour la chute d’Eric Woerth qui ne l’avait pas volé. Le gouvernement suivant, socialiste et exemplaire, qui se prend les pieds dans le tapis du sac de noeud du secret bancaire et de l’entraide, c’est amusant comme part du feuilleton. Plus juridiquement, la qualification d’escroquerie fiscale qui a permis le second retour d’entraide, pénal, se discute probablement – mais permet (sans recours de Cahuzac) à la justice suisse de montrer que l’entraide fonctionne, qu’elle est bonne élève. Et aux politiciens suisses d’emboucher cette trompette et de rappeler qu’il faut aussi regarder dès lors comment d’autres places refuges ne jouent pas le jeu. Ce qui occulte le débat, plus fondamental et plus musclé, du secret bancaire et du pourquoi tant de politiciens français actuels, des dizaines selon une source à paraître, ont des fonds en Suisse. Du pourquoi ils n’ont pas confiance dans leur propre pays et dans leurs propres institutions pour estimer devoir, comme juste après-guerre, garder des fonds ailleurs. Du pourquoi ils fuient ou rectifient eux-mêmes hors-la-loi une fiscalité confiscatoire – mais tenant un discours moralisant dans leur posture officielle. Ces éléments sont indissociables du débat de fond et la considération qu’ils sont de simples tricheurs est simpliste et réductrice. Pour la Suisse, le changement de paradigme est une évidence. C’est le sens du vent. Mais il restera ponctué de surprises et de cahots, et la réalité démontrant qu’il faut tenir compte du passé, de moeurs, de situations, des motivations, pour façonner l’avenir. La page du changement de paradigme ne peut se tourner d’un coup et sur des professions de foi politiques unilatérales. Le feuilleton est loin d’être fini – et tant mieux car il rappelle précisément ces réalités.