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POURQUOI LA JUSTICE SUISSE NE DONNE JAMAIS RAISON AU PARTICULIER ENVERS L’ETAT OU UNE BANQUE

En Suisse, le particulier perd neuf fois sur dix contre l’Etat ou contre une grande entreprise, particulièrement une banque. Etonnant mais pourquoi ? Hypothèse la plus simple : il a tort neuf fois sur dix. Pourquoi pas – si les tribunaux tranchent ainsi. Mais cela ne colle pas. En termes d’approche statistique, cette répartition des comportements contraires au droit n’est pas possible. L’exemple extrême est la jurisprudence fiscale dans laquelle le taux de succès du contribuable est infime. Or aucun corps professionnel ou régalien, fût-il le fisc, ne présente le taux de justesse qu’affiche la jurisprudence. Il faut donc chercher ailleurs. Soyons francs, une cause présente rarement un résultat clair et obligatoire, que rendraient tous les juges ou autorités qui auraient à la trancher. Pour preuve les décisions réformées ou cassées en appel. Arriver à un résultat donné signifie traiter des points de fait et de droit dont plusieurs peuvent constituer un embranchement qui entraîne un sort différent. Même dans les cas dans lesquels la loi n’accorde pas un pouvoir d’appréciation propre, il y a toujours une marge sur certains points de droit. Et en droit public, le pouvoir d’appréciation est souvent la règle en première instance. De là, un juge ou une autorité peut faire pencher la balance selon des présupposés, selon sa conception de la justesse, que le raisonnement juridique vient alors soutenir – et non l’inverse. Or en Suisse, l’Etat et les banques et grandes entreprises jouissent d’une protection subliminale qui fait partie de l’inconscient collectif, d’une présomption, aussi absurde soit-elle en réalité et philosophiquement, de faire juste, d’être honorable, de respecter le droit, de veiller au bien commun. Et de là, le particulier part avec un handicap réel.

Aucun juge n’aimerait probablement acquiescer à cet état de choses car chacun est persuadé d’appliquer correctement le droit, en âme et conscience, de coller entièrement à l’impartialité institutionnelle de sa charge. Pourtant, la casuistique parle, et le phénomène est réel et situé au-delà des perceptions conscientes. A l’Etat comme dans les entreprises, les décisions sont prises par des individus – mais qui ne les assument pas puisqu’elles sont précisément imputables à l’Etat ou à la personne morale. Or une personne ne prend pas de la même manière une décision qui la concerne à titre privé et une décision qui concerne l’entité. Hors le cas indéfendable, qui engagerait alors la crédibilité de celui qui décide mais qui est rare, un décideur prend neuf fois sur dix non la décision la plus juste, mais la décision la moins dommageable pour son institution – tant qu’elle est défendable. Il fait passer l’intérêt collectif avant l’intérêt particulier. C’est plus facile envers son corps professionnel, et bénéfique à sa carrière et à sa considération interne. Puis, lorsque l’Etat ou une grande entreprise a pris une décision, la justice ne la renversera pas pour des raisons du même ordre. Lors même que la justice est là pour défendre aussi, à égalité, le particulier. Dans leur inconscient collectif, neuf juges sur dix feront passer l’intérêt commun avant celui de l’individu, et avec l’aide bienveillante du droit de procédure qui permet d’évacuer pour des motifs formels des prétentions qui font sens au fond. Alors que cela foule aux pieds le droit matériel et le juste, l’honneur et l’alibi sont saufs : le juge applique la loi – sans états d’âmes puisque c’est la loi. Simpliste tout cela ? Même dit en seulement quelques lignes, non.