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RETROCESSIONS BANCAIRES : LA GRANDE PEUR ?

Comme l’a expliqué Adrian Dan la semaine dernière, le Tribunal fédéral a donc bouclé la boucle en matière de mandat et de rétrocessions, soit sous l’angle du droit pénal. La violation de l’obligation civile consacre une gestion déloyale. C’est la définition même de cette infraction : violer un devoir, juridique, de gestion. L’obligation civile en cause n’est cependant pas celle que l’on croit : ce n’est pas le fait de conserver les rétrocessions dues au mandant, ce qui est en premier lieu une dette civile, qui consomme l’infraction, mais la violation du devoir d’informer. Parce que, faute d’être informé, le mandant ne peut pas faire valoir ses droits, ce dont le gérant répond dès lors au titre de garant. Le devoir du mandataire de rendre compte est ainsi une obligation accrue ou qualifiée d’agir. Et sa violation un acte de gestion déloyale. L’obligation de rendre compte exerce ainsi un rôle préventif dans la protection des intérêts du mandant, ceci justifiant la qualification pénale de sa violation. Où cela mène-t-il, dès lors ?

Lorsque le Tribunal fédéral a consacré l’obligation civile de rendre les rétrocessions au mandant, les banques ont eu peur d’être confrontées à une dette gigantesque – puisqu’il s’agissait-là d’une part non-négligeable de leur rémunération, cela sur la période de prescription, qu’elle soit de cinq ou de dix ans. Or curieusement, peu de clients les ont réclamées. A ceux qui l’ont fait, les banques ont opposé qu’ils y avaient consenti – même si, dans la majorité des cas, les conditions fixées sur ce point par le Tribunal fédéral n’étaient pas remplies. Comme souvent, les banques ont attendu de voir si, face à cette fin de non-recevoir, le client allait les attaquer pour cette dette civile – en assumant le fardeau de l’action et de la preuve, et les frais. Et sachant que les clients non-déclarés ne le feraient pas. Ce que très peu firent donc. En fin du compte, les banques n’ont ainsi restitué aux clients qu’une infime part des rétrocessions qu’elles leur devaient au plan civil – mais donne que l’arrêt 6B_689/2016 [1] change radicalement.

Faute d’avoir entièrement informé leurs clients de l’ampleur concrète des rétrocessions, ce qu’aucune banque n’a véritablement fait sauf dans des cas très exceptionnels, l’infraction pénale est donc donnée. Les banques savent en effet depuis 2006, par un arrêt publié ATF 132 III 460 qu’elles connaissent nécessairement, que le client ne peut valablement libérer son cocontractant de l’obligation de rendre compte et de restituer les rétrocessions s’il n’a pas reçu une information complète et véridique. Là où la banque a simplement attendu de voir si le client actionnait sa créance civile à son encontre, elle a simultanément consacré, par cette conscience et volonté, l’infraction pénale. Les plaintes vont-elles pleuvoir ? Probablement pas. Les parquets n’ont aucun appétit à poursuivre les banques, et peu de clients comprendront cette occasion qui leur est donnée. Mais pour ceux-ci, la prescription n’est plus de cinq ou dix ans – mais de quinze. Ce qui change tout. A bon entendeur…