SAUF-CONDUIT

Posté le 17 avril, 2016 dans droit / law

L’arrêt du Tribunal fédéral 141 IV 390 mérite louange et bémol. L’avocat dont le client prévenu, ou même parfois témoin, doit venir de l’étranger pour une audience pénale, est dans un rapport délicat avec la direction de la procédure quand il y a, ou estime qu’un risque d’arrestation n’est pas exclu. Ce qui peut souvent être le cas. La question est invariable : Maître, dois-je venir ou est-ce que je risque d’être arrêté ? Faut-il donc demander un sauf-conduit – ou pas ? Est-ce suggérer que le client/prévenu craint son arrestation – ce qui révèle sa propre appréciation ? Il est parfois possible d’en discuter avec certains procureurs ou juges, mais pas toujours. Parfois ce risque est évident à teneur des charges, mais d’autres fois inopportun que la défense indique cette crainte. Parfois avocat et client choisissent de ne pas s’avancer à le demander, soit prenant un risque – cadré jusqu’au CPP dans la plupart des cantons par les seuls art. 12 CEEJ et 73 EIMP. L’art. 204 CPP prévoit désormais le sauf-conduit – ce qui est bien dans le sens d’utile à l’administration de la justice et à la sécurité du droit. Mais qui va plus loin que ces deux dispositions en ce qu’il inclut les faits visés par la citation, élément évidemment crucial. Les motifs de l’arrêt sont clairs sur la genèse, la teneur et la portée de la règle – et donc très bien. Du point de vue de l’accusation, laisser repartir une personne condamnée, ou entendue à l’instruction mais passible d’une peine privative de liberté, ou dont la détention préventive serait fondée, peut de prime abord sembler critiquable. Mais dans une vision plus globale, cela ne l’est pas. 

Lorsqu’une personne vient de l’étranger en déférant à une convocation suisse, elle effectue un acte qu’elle n’est pas obligée de faire en droit international, sauf les cas prévus par celui-ci mais à des conditions. Elle renonce à la souveraineté et la protection du pays où elle est. Si elle ne vient pas, elle s’expose à d’autres risques, dont celui d’un mandat à la frontière, d’un mandat exécutable dans d’autres pays, d’une délégation de la poursuite, voire d’un jugement par défaut. Mais elle a le droit de ne pas venir – ce dont procèdent la ratio et la logique du sauf-conduit. Lorsqu’une personne vient, prévenue ou témoin, elle concourt à la bonne administration de la justice, qui n’est jamais bien rendue en leur absence. Dans le cas, à l’une des extrêmes, où une personne condamnée ne peut pas être arrêtée, comme l’a consacré le TF in casu, cette conséquence a des contrepoids : une condamnation définitive fait du condamné qui ne revient pas un fugitif, soit une mauvaise posture, souvent confiné à son territoire national. Des mandats peuvent être exécutés à l’étranger, voire une délégation de l’exécution de la peine. En lien avec le considérant 2.2.3 et la réserve de l’art 204 al. 3 CPP permettant d’assortir le sauf-conduit de conditions, le TF est cependant allé trop vite en besogne sur cette question non-posée. Il est douteux que restreindre la portée du sauf-conduit en excluant les faits visés par la citation puisse être une condition au sens de l’al. 3. Et que l’autorité puisse ainsi contourner le problème. La loi ne dit pas restreindre, et ce serait une restriction de son champ, et non une condition. Le Message ne cite que des conditions de temps et de lieu, et qui ne doivent pas porter atteinte à un droit procédural ni bien sûr aux droits fondamentaux. On peut imaginer également des conditions en lien avec le risque de collusion ou de confidentialité. Mais exclure les faits visés par la citation serait contraire à la volonté de principe du législateur et à l’intérêt général d’une bonne administration de la justice. A suivre.

 

 

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