SEC/Citigroup : Un mauvais accord vaut (définitivement) mieux qu’un bon procès – pour la Cour d’appel du IIème Circuit

Posté le 16 septembre, 2014 dans finance / eco

Ce blog a évoqué en deux billets l’affaire SEC/Citigroup dans laquelle le juge fédéral Rakoff avait refusé fin 2011 d’entériner une transaction entre la banque et la SEC. Par celle-ci, Citigroup réglait pour $ 285 millions l’accusation d’avoir parié contre un produit vendu à ses clients, la banque effectuant un profit de 160 millions et ses clients en perdant 700. L’accord comportait donc d’abandonner le profit réalisé et une pénalité. Le juge Rakoff contestait qu’un accord par lequel la banque ne reconnaissait aucune faute ni aucun organe n’était poursuivi, alors qu’elle payait $ 285 millions, soit réellement dans l’intérêt public. C’était ainsi cette pratique de transiger sans aucune reconnaissance de rien que contestait in fine le juge. Eh bien la Cour d’appel du IIème Circuit n’a pas été de cet avis : le juge a abusé de son pouvoir discrétionnaire en mettant en cause les motifs de la position de la SEC, et les agences fédérales doivent avoir une large latitude dans la décision d’envoyer une affaire au procès ou de la transiger – dans l’intérêt général. Dommage. Explication et clé de lecture de l’arrêt sur une controverse qui a retenu une large attention dans les milieux financiers, et alternatifs qui soutenaient le juge.

Les questions étaient pourtant pertinentes : pourquoi la Cour devrait-elle entériner un accord par jugement là où le défendeur n’admet ni ne nie les faits ?, vu le mandat de la SEC de veiller à la transparence des marchés, y a-t-il un intérêt public à faire établir dans un procès si les charges sont établies ?, comment la pénalité a-t-elle dès lors été calculée ?, comment la SEC s’assurera-t-elle du respect de l’engagement du défendeur de ne plus commettre d’infractions à l’avenir ?, et deux points cruciaux : comment une fraude de cette ampleur peut-elle ainsi résulter d’une simple négligence ? et pourquoi finalement la pénalité est-elle assumée par la banque fautive et ses actionnaires – plutôt que par les réels responsables ?, et pourquoi la SEC n’a-t-elle pas pu les identifier ? Le juge avait conclu en disant qu’entériner un accord par jugement ne reposant pas sur des faits établis ou admis était judiciairement dangereux. Qu’un jugement du siège au service d’une agence fédérale ne reposant pas sur des faits était un outil d’oppression et ne servait aucun but juridique ou moral.

Dans son arrêt relativement court et direct, la Cour a balayé ces questions et les principes, pour certains fondamentaux, qui les sous-tendaient. Pour elle, il y a un intérêt public à entériner, à rendre exécutoires par jugement les accords passés par les agences fédérales dans le cadre de leurs pouvoirs. Le juge Rakoff ne voulait pas être un simple coup de tampon sur une transaction qu’il considérait problématique, c’est-à-dire injuste, inadéquate, contraire à l’intérêt public. Pour la Cour, le Congrès a posé des limites à la vérification de ces conditions légitimes en elles-mêmes mais qu’elle recadre : fair and reasonable, and public interest not being disserved. La condition d’adéquation est éliminée – n’ayant pas sa place dans cet examen judiciaire. Il faut donc que le juge s’assure de la base légale de l’accord, de ce que ses termes sont clairs, s’il résout le litige et qu’il ne soit pas vicié. Et que la procédure ayant mené à son adoption soit régulière. Pour le reste, il peut y avoir diverses raisons pour les parties de transiger, et elles leur appartiennent. Le juge n’a pas dès lors à exiger que les faits soient établis ou admis, hors la vérification de ce que l’accord repose sur les faits dénoncés. Et s’agissant de l’intérêt public, il est avant tout du ressort de l’agence – même si le juge doit le vérifier. Or ici le juge n’a pas déterminé que l’accord violait l’intérêt public. Le juge Rakoff avait posé de diablement bonnes questions en termes de surveillance et de moralité des marchés – et de moralité du système judiciaire. La solution de la Cour est à la fois carrée, pragmatique et juridiquement rigoriste. Tant pis, ou tant mieux. Elles devront être reprises ailleurs.

 

 

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