SEXE, DROIT ET POGNON

Posté le 28 mai, 2021 dans droit / law

Littéralement à son premier cours, et avec son langage haut en couleur, le Pr. Philippe Graven avait l’habitude de prévenir ses étudiants candides et avides d’apprendre : le droit pénal, ça s’occupe à 90% de sexe et de pognon. Quarante-ans plus tard, les mœurs, les genres, les sensibilités, bref la société, ont – bien naturellement – évolué. Et le droit pénal (et le droit tout court) s’occupent toujours de sexe et de pognon – en ayant eux aussi diversement évolué.

La prostitution, tout en étant licite et répandue, était depuis toujours hypocritement « contraire aux mœurs ». D’où le fait de payer d’avance – puisqu’autrement, sa rémunération n’était pas, pour cette raison, une créance actionnable en justice. La prostitution a de tout temps donné lieu à vastes débats, de sa libéralisation complète au titre d’activité thérapeutique et du droit de disposer de son corps, à un prohibitionnisme complet pour un large spectre de raisons pour certaines fort opposées. Curieusement, la question du statut de sa rémunération est restée ignorée – jusqu’à tout récemment. Incidemment, en catimini, et non dans un arrêt civil qui aurait porté sur cette question à titre principal, le Tribunal fédéral, pour pouvoir confirmer la condamnation pour escroquerie d’un coquin qui ne voulait pas payer après avoir fait miroiter qu’il en avait les moyens, a supprimé cette contrariété au mœurs. Ceci est ainsi, un peu curieusement, passé inaperçu dans le débat public. Alors que l’arrêt a été rendu à cinq juges.

En France, dans le débat vif et légitime que connait la société civile sur ces sujets, il n’est en revanche pas passé inaperçu que la Cour de Cassation a confirmé une décision de Cour d’Appel ayant retenu le devoir d’un couple marié d’entretenir des relations sexuelles régulières. Faute d’avoir respecté ce devoir, le divorce a été prononcé aux torts de l’épouse. Elle a saisi la CEDH – qui a déjà condamné la Grande-Bretagne pour cela en 1995. Il y a une forme de cohérence à la notion de « devoir conjugal » dans un droit du mariage qui considère symétriquement l’adultère comme une faute. Mais tout ceci parait bien rétrograde dans un monde dans lequel les anciens carcans juridiques sautent les uns après les autres pour laisser enfin une place supérieure aux ressentis, aux sincérités et, in fine, au respect que se doivent des partenaires, de vie ou tout court.

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