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SOFT SKILLS DU METIER D’AVOCAT : TROIS LIVRES ON ADVOCACY

Comment l’avocat apprend-il son métier ? C’est-à-dire penser, comprendre, énoncer – au-delà du droit et de la procédure qu’il a appris. L’Ecole d’Avocature de Genève, ouverte depuis 2011, doit être une des façons. Mais son programme [1]s’alourdit d’année en année, mais dans le sens d’enseignements théoriques complémentaires au Bachelor/Master, soit s’éloignant de l’objectif originel. La problématique des softs skills se pose aussi dans d’autres matières universitaires. Il y a constat qu’ils sont nécessaires mais peuvent-ils/doivent-ils être matérialisés et enseignés, et sont-ils mesurables vu que le système repose encore largement sur la notation ? Bonne question – mais particulièrement pour l’avocat, qui toute sa vie devra interagir avec juges et adversaires pour édifier et convaincre, sans avoir de nombreuses sources pour se former. L’avocat suisse pense également souvent qu’il maîtrise la langue et son raisonnement juridique, et qu’il n’y a donc qu’à dire ou écrire sans avoir à se former autrement. Le résultat est connu : des écritures et plaidoiries pour partie simplistes et médiocres. Aux Etats-Unis, la littérature est généreuse dans ce domaine – avec leur (bonne) mentalité des « how to » et recettes de cuisine pour tout. Dans les ouvrages récents ou à signaler, la seconde édition (2014) du très bon Point Made [2] de Ross Guberman. L’auteur guide l’avocat par thèmes rhétoriques allant de la conception et du contenu d’une écriture aux formulations spécifiques aux caractéristiques ou difficultés de la cause. Mais surtout, il illustre le propos par des citations de mémoires et plaidoiries de célèbres avocats et magistrats, dans des affaires emblématiques. Il expose plusieurs versions du même argument et pourquoi l’une est supérieure aux autres. Mais ce qui nécessite ce travail d’analyse et l’accès informatique public aux écritures des procédures – qui y existe.

The Art of Advocacy [3] de Noah A. Messing, de 2013, est un cours, et donc plus scolaire. De nombreux cours et ateliers de advocacy sont donnés dans les facultés de droit américaines. Vu la structure différente de la formation avec un Bar Exam sans enseignement, cette matière est dispensée en amont – au contraire de chez nous. Cet ouvrage traite la question avec la même approche par chapitres rhétoriques, des Q&A pratiques, dans des exemples concrets de rédaction et d’arguments. Il expose des solutions en cas de difficulté avec le fil de l’argumentaire, de conflit ou de hiérarchisation des arguments. Il traite de deux sujets utile et délicat, prendre parti de l’historique et du fil procédural de la cause à son avantage, et les arguments relatifs à des questions de policy. La partie finale sur l’écriture est courte et constitue un bon rappel de règles rhétoriques à usage judiciaire. Le troisième ouvrage est plus ancien (1995), et plus olé-olé et sur ton de best-seller. How to Argue and Win Every Time [4], au titre accrocheur donc, a été traduit et publié dans vingt-trois pays ! En prose, il touche à des sujets en plein dans la cible des soft skills : comment se comporter physiquement et « parler » avec son corps, comment exploiter passion et émotions, ou qu’agresser n’est pas convaincre. Il évoque le biais mental, réel ou supposé, culturel ou intellectuel, du juge ou de l’adversaire, ce qui est toujours difficile à ne serait-ce qu’admettre comme une prémisse. Et qu’il faut donc intégrer et traiter. Ou encore comment gérer l’ouverture, la manière d’obtenir l’attention d’entrée de cause et de créer une accroche. A lire ou à parcourir. Intéressant ou amusant. L’avocat de demain sera polymorphe – mais continuera à utiliser les mêmes outils touchant à la science humaine.