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SUPER LEAGUE : POURQUOI TANT DE HAINE ?

Depuis les années 90, quelques clubs de football européens les plus influents relancent régulièrement le projet d’une compétition indépendante de l’UEFA. A chaque fois, après avoir bandé ses muscles et menacé les dissidents, l’UEFA modifie le format de ses compétitions pour aller un peu dans leur sens, augmente leur participation financière, et tout rentre dans l’ordre… jusqu’à la fois suivante. Ce projet était-il sérieux et concret, ou un simple levier de négociation ? Ces clubs ont-ils obtenu behind the scene ce qu’ils revendiquaient ? Ce qui frappe, c’est toutefois la levée de boucliers – pour de mauvaises raisons procédant d’une mauvaise analyse. De nombreux hommes politiques et gouvernants se sont élevés contre le projet « au nom du football, de la cohésion sociale qu’il apporte, de l’intérêt de la société » et autres déclarations hâtives. Ou alors cela confirme-t-il que le football est un réseau politique comme un autre, protégé parce que géostratégique, peu importe que ses instances soient peu transparentes, dictatoriales, qu’elles violent le droit civil et le droit public à de nombreux égards, qu’elles soient injustement exemptées fiscalement, et qu’elles soient constamment minées par des problèmes de fraude et de corruption. Cela fait beaucoup mais la compétition fonctionne, le nationalisme peut être exprimé d’une manière canalisée et somme toute maîtrisée, tout un secteur fait beaucoup d’argent, le peuple a ses jeux, le système est verrouillé et tout le monde est content. Pas touche, donc. Pourtant…

La légitimité et la forme d’officialité que revendiquent ces « institutions » qui n’en sont pas, qui ne sont que des entreprises de droit privé, qui exercent une activité commerciale sous l’alibi du but idéal, qui abusent d’une position dominante et cartellaire, sont plus que discutables. Les associations et fédérations sportives ont le droit d’exercer leurs activités, qui sont honorables et libres. Pour autant qu’elles respectent le droit. En revanche, lorsqu’elles se retrouvent en situation de monopole, leur permettant notamment de percevoir un revenu commercial colossal, cela est problématique. Il n’y a aucune raison à ce monopole, ni à empêcher l’émergence d’une pratique distincte du même sport. Savoir si c’est une bonne idée est une autre question. L’avantage fiscal conféré à ces organisations est également socialement indéfendable.

Plus délicate est la question de savoir si des sportifs ou des équipes peuvent participer à des compétitions parallèles ou concurrentes sans être exclus par une fédération et ainsi contraints de « choisir un camp ». Il y a des arguments à cela, mais qui ne l’emportent pas sur la liberté personnelle. C’est le sens du vent et de la jurisprudence : un athlète ou une équipe doit pouvoir être libre de participer à des compétitions mises sur pied par plusieurs organisateurs. Une clause d’exclusivité statutaire, réglementaire ou contractuelle n’est pas justifiable, et d’autant plus lorsque la fédération exerce une position dominante. Il n’y a aucune raison que le sport échappe au droit de la concurrence. Mot de la fin : on comprend bien qu’en l’espèce, l’UEFA ne vise pas à protéger un aspect social ou idéal du sport, mais la manne financière que lui confère son monopole – qu’elle tire pourtant des sportifs participants. Ceci explique la virulence de sa réaction et ses menaces illicites contre clubs, fédérations nationales et joueurs. Les politiques, supporters et médias qui se sont précipités à « condamner » ce projet n’ont pas correctement appréhendé les problème.