Tiens ils enquêtent enfin sur le trading à haute fréquence !

Posté le 2 avril, 2014 dans finance / eco

Tout vient à temps pour qui sait attendre. Ce blog dénonce le flash trading depuis des années (cf. ici, ici et ici) – et il faut parfois du temps pour que les mentalités évoluent, que certaines constatations et réflexions se fassent, s’affirment, et que, pour des autorités, elles aient le temps et un agenda dégagé pour s’intéresser à un moment donné à un problème complexe. Le trading à haute fréquence pose des questions à la fois techniques, juridiques et de philosophie des marchés et du capitalisme en général. Comme souvent, la pratique s’installe et prend de vitesse les règles et régulateurs. Jusqu’à ce que quelqu’un se réveille. Le trading à haute fréquence affiche des objectifs d’entrée illicites : donner un avantage strictement technique à celui qui traitera le plus vite les données de marché, par sa puissance de calcul et sa vitesse de traitement, sa proximité des serveurs des bourses électroniques, et sa capacité à traiter des milliers d’opérations en millisecondes pour bénéficier de spreads infimes mais multipliés par le nombre d’opérations. Simplement le formuler énonce que c’est, in fine, un abus de marché : tirer avantage par la technique des ordres des autres et des mouvements de cours en résultant. Les autorités de marchés n’y ont pas vu le Diable pendant des années pour plusieurs raisons : elles ont raté le démarrage de cette activité et de la réguler ou l’interdire d’entrée, elles sont proches en mentalité des opérateurs, par les carrières transversales des individus, et elles n’ont pas la vision de l’acte dommageable du droit pénal. Il était ainsi difficile d’affirmer directement et sans recul que c’était, ultimement, un abus de marché. Mais les choses viennent de changer.

Ainsi le Procureur de New-York Eric Schneiderman vient-il d’annoncer que le flash trading était sous enquête – pénale. Il donne le ton : ces techniques donnent à un petit segment de l’industrie un avantage considérable et prédateur. Ce qui est nouveau est désormais le recul qui permet de constater que ces opérateurs exploitent cet avantage de manière économiquement concrète. Et comme souvent lorsqu’une autorité se saisit d’un problème, d’autres ne veulent du coup demeurer en reste – et en avoir l’air. Le FBI vient ainsi d’annoncer lui aussi qu’il enquêtait sur ces pratiques. La seule dont le silence reste, une fois de plus, assourdissant, est la SEC. Et en Europe ? C’est également un problème pour les mêmes raisons, et une fois de plus les autorités de régulation européennes seront suiveuses plutôt que précurseurs. Sans parler de la Suisse où personne ne s’intéressera à ce problème. Les autorités se sont intéressées pourtant au flash trading mais pour de mauvaises raisons : le vol de fichier informatiques sur les martingales elles-mêmes, son effet accélérateur à la baisse strictement synthétique lors de certaines évolutions de marchés et des erreurs informatiques aux mêmes effets. A-t-il des vertus – à part celle de faire gagner ceux qui maîtrisent le mieux cette technologie ? Une a été avancée qui est de créer de la liquidité – dont profitent, avec la vivacité et réactivité du cours qui vont avec, l’acheteur ou le vendeur lambda. L’absence de volume et de liquidité le pénalise in fine. Peut-être. Mais au même titre que l’explication que les opérations d’initiés « protègent et avertissent » le marché par les inflexions de cours qu’elles induisent ? L’effet est exact – mais la cause illicite.

La philosophie capitaliste sous-tend la liquidité et la liberté de transaction. Elle ne fixe pas il est vrai de limite au nombre de transactions et à cette liberté, ni dès lors à leur rapidité technique.  Mais elle ne sous-tend pas non plus l’avantage strictement technique et synthétique. Elle postule le pari, le droit de se tromper, d’entrer et de sortir. Pas de prendre l’ascendant sur le pari en s’en déconnectant. Cette problématique n’est pas uniquement philosophique pour autant. La liquidité résulte également de la présence des investisseurs qui ne se détournent pas des marchés sur l’impression qu’ils sont manipulés, que leurs ordres sont exploités par d’autres – dans des conditions d’inégalité. La réponse sera ainsi probablement de fixer des limites temporelles d’exécution décemment lentes et accessibles à tous les opérateurs.

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