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UBS/Adoboli : Le pari qu’aucune autre tête ne roulera… Sion/UEFA : Appliquer la loi et respecter la justice nuit gravement à la Suisse

Pour Peter Gilliéron, président de l’ASF [1] et membre du comité exécutif de l’UEFA, le FC Sion nuit gravement à l’image de la Suisse en saisissant le juge civil [2] – et en demandant l’application de la loi. Cela fera fuir ces puissantes associations – dont il vit -, lesquelles iront violer la loi ailleurs, au préjudice de la Suisse toute entière. Que dire sinon être bouche bée ? Quel modèle lamentable pour la société civile, et notamment la jeunesse qui pratique le sport, que des hauts dirigeants du sport critiquent le recours au juge, acquis démocratique et historique de l’Etat de droit, au profit d’un système qui fonctionne en vase clos et en violation notamment du droit civil. A tous les juniors de Suisse : ne respectez plus les décisions de l’arbitre – puisque vos plus hauts dirigeants s’affranchissent de celles des juges. Dans la clé de lecture de la partie procédurale de cette affaire, une partie à un litige civil a la possibilité de violer une décision de justice. Et de s’exposer, elle ou ses organes à titre personnel, aux sanctions civiles et pénales que cela entraîne. Ce n’est pas un droit, puisque c’est un acte illicite et une faute sujette à réparation. Une institution comme l’UEFA a en revanche le devoir – moral – de la respecter. Un devoir moral lié à son statut d’acteur légitime et honnête de la société civile. Elle peut la contester par les recours et voies de droit à disposition. Une décision pré-provisionnelle, c’est-à-dire rendue à titre provisoire et avant audition des parties, n’est pas stricto sensu contradictoire – encore qu’il y ait une forme de contradiction si la partie visée dépose un mémoire préventif exposant ses arguments. La décision provisionnelle comporte néanmoins une  admission de la vraisemblance des faits et du droit de fond allégués. La violer délibérément est donc une posture d’insoumission ouverte au droit et à l’ordre public civil. Ce qui est inacceptable de sa part. Y a-t-il dans cette maison des juristes comprenant le droit et la justice, tant sur ce point judiciaire que sur celui de l’incompatibilité des règles en matière de transferts avec le droit civil – droit du travail et droit de la personnalité ? Ces juristes sont-ils à ce point soumis à leurs dirigeants qu’ils n’osent pas le leur dire clairement ?

Dans l’affaire UBS/Adoboli – il n’est plus possible de dire l’affaire UBS tant il y en a – les dirigeants affichent une défiance et un détachement très similaires. Oswald Grübel a fait savoir qu’il n’avait pas l’intention de démissionner [3]. Carsten Kengeter, CEO de la banque d’affaires, visiblement pas non plus – il se targue d’être inondé de messages de soutien [4]. Peut-être ne lit-il rien d’externe à la banque, et donc pas les milliers de commentaires offusqués et désabusés au sein de la clientèle et de la société civile dont une faillite de l’UBS représenterait la ruine ? Aussi pouvons-nous parier : aucune autre tête ne roulera – sauf celle de cet anecdotique Adoboli. Il est anecdotique car qu’un trader se plante n’est pas la question, ni celle qu’il ait passé des opérations fictives pour masquer ses positions. Il y en a deux. La première est celle de la défaillance, ou alors de l’impossibilité, du contrôle de ce type d’opérations. Les conséquences, distinctes, n’en seront pas tirées. La seconde est de savoir si une banque suisse qui a dû être sauvée par l’Etat et qui présente un risque systémique pour la Suisse, et qui pleurniche contre la décision politique d’augmenter les ratios de fonds propres, doit pouvoir librement spéculer en milliards sur ou contre le franc suisse. Aucune tête ne roulera, non parce que le droit ne le permettrait pas, mais parce qu’en Suisse il y a une culture d’impunité et d’incapacité à poursuivre ce type de défaillances – et les professionnels « honorables » qui en sont les acteurs. La Suisse sait poursuivre les voleurs. Au-delà elle est juridiquement autiste. Adoboli a perdu, personne n’a volé, CQFD, case closed – c’est un incident, ainsi que le qualifie lui-même Kengeter. Et les banquiers de se draper dans leur hauteur capitaliste envers ceux qui n’y comprennent manifestement rien : pour viser 15% de profit dans la banque d’affaires, il faut prendre des risques. Et notre mission quasi-divine est de retrouver de tels profits. Peu importe donc si la banque perd d’un coup la masse salariale des 3’500 employés qu’il faut licencier pour des raisons de rentabilité.

Si le directeur d’un garage ou le contremaître d’un chantier négligent le contrôle de leur site et laissent disparaître deux millions de matériel, ils seront au minimum licenciés voire poursuivis au pénal. Pas ceux qui laissent perdre deux milliards. Toutes les normes juridiques sont pourtant là – mais Grübel, Platini, Infantino, Kengeter et Gilliéron peuvent continuer à fumer la pipe.