Un enterrement auquel personne ne pleurera : Celui de la procédure civile vaudoise !

Posté le 30 mars, 2009 dans droit / law, justice

S’il est un enterrement auquel personne ne pleurera, c’est bien celui de la procédure civile vaudoise, lorsque entrera en vigueur le CPC fédéral. Adieu ces écritures interminables où l’allégué selon lequel le demandeur a un chien, à prouver par témoins, et qui sera ignoré soit rapport à la pièce, est séparé de l’allégué qui indique que c’est un caniche (preuve), de l’allégué qu’il a été écrasé (preuve), de l’allégué que c’était par une voiture grise (preuve), et ainsi de suite jusqu’à l’allégué 174 qu’il faut attendre pour apprendre enfin que l’assurance ne veut pas payer. Je le dis cum grano salis car ce sera bientôt de l’histoire ancienne, et parce que l’on critique plus volontiers ce qui est d’ailleurs et que l’on maîtrise et comprend moins bien. Et parce que c’est un vieux débat entre vaudois et genevois, et que je vois déjà des vaudois se lever en bloc les bras au ciel comme au stade quand un des joueurs de son équipe se fait faucher. Mais je le dis sérieusement : la procédure civile vaudoise, et avec elle les « usages » qui s’y sont greffés au fil du temps, est un obstacle à la réalisation du droit matériel plutôt que sa mise en oeuvre. Et cela est évidemment gênant en termes de justice. Je ne dis pas que la justice ne fonctionne pas dans le canton de Vaud, elle se fait, mais que son système procédural la complique d’une manière excessive, et qui en est une forme d’entrave. La procédure civile vaudoise est également un obstacle à la LLCA et à la LMI – quel autre beau sujet ! – mais je n’en doute pas un instant quand je vois des avocats vaudois heureux d’être débarrassés de cet épouvantable carcan lorsqu’ils travaillent hors de chez eux, avec la souplesse de la LPC genevoise ou d’une procédure arbitrale par exemple.

Sérieusement toujours, si l’on comprend le sens initial du découpage par allégués limités à un sujet-verbe-complément, pour en arriver à une sorte de grille de preuve un peu mathématique, ce système est peu praticable, et en tout cas pénalisant. Il a montré ses limites au fil du temps et de l’évolution de la justice, et du rapport du justiciable à la justice, tant dans l’allégation que dans la réfutation. Le droit est une science humaine auquel ce carcan est inadapté. Un état de fait n’est jamais figé comme l’impose artificiellement ce découpage. Pire, ce découpage nécessite un travail long et inutile pour arriver à dégager l’essentiel, soit les points de fait et/ou de droit qui sont litigieux, lesquels sont directement apparents dans une prose plus fluide. Il produit donc en pratique un effet inverse à celui qui était initialement sa ratio. Et puis, il empêche de facto le justiciable de plaider en personne, ce qui reste son droit, dans des affaires même de peu d’importance. Ci-joint la communication d’un tribunal d’arrondissement un peu sidérante et d’un autre siècle que l’un d’eux vient de recevoir d’un greffe, dans une affaire qui porte glorieusement sur trois mille francs. L’outrage ? Pire qu’à l’école primaire, ce pauvre justiciable n’a pas repris correctement la numérotation des allégués et des pièces – et de se voir vertement ordonner de prendre un avocat, mais dont les dépens éventuels ne couvriront jamais que le premier courrier. Le greffier et/ou le Président ont au surplus zappé la LLCA et les bilatérales – puisque un avocat jurassien comme madrilène peuvent plaider dans le canton,  à moins que ce ne soit la lettre type en vigueur depuis 1874.

Evidemment, les habitudes ont la vie dure et il faudra voir ce que chaque canton fera du CPC dans la marge de manœuvre pratique qu’il conservera. Mais un procès civil, ce sont des faits, du droit et une subsomption. Les plaideurs efficaces savent qu’une écriture doit être courte, claire, lisible et aller à l’essentiel. En prose par paragraphes, les écritures feront le tiers ou le quart de leur longueur, tout en gagnant en clarté et en efficacité. Le langage des prétoires doit être simple, efficace, celui de la langue parlée et écrite, mais par des gens normaux – que sont au demeurant les justiciables, les juges et les avocats. Il ne viendrait à l’idée de personne de parler dans son salon à ses amis en disant : « Le demandeur a un chien. C’est un caniche. Il a été écrasé… …par une voiture grise » etc. Et encore moins de répondre à son contradicteur « Ignoré soit rapport à la pièce » ! Allez, sans rancune, souriez et vivement dans deux ans !

une réponse à “ Un enterrement auquel personne ne pleurera : Celui de la procédure civile vaudoise ! ”

  1. […] fédéral genevois ne sera pas… vaudois (l’affection marquée de ce blog cf. post du 30 mars 2009 pour la procédure vaudoise étant notoire). Un allégué n’est pas un […]

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