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Y A-T-IL UN DEFICIT D’ATTENTION JUDICIAIRE ? – ET QUAND HULK TERRASSE LA PRESSE POUBELLE

Le processus judiciaire est séculaire : des écritures, des allégués, des faits, des preuves, des auditions. Il n’a pas changé depuis des lustres. Alors que la communication et ses modes n’ont plus rien à voir avec ceux d’il y a quarante ans : virtuellement de la machine à écrire au multi-média et au web 2.0, demain à l’intelligence artificielle. Il n’y a qu’à revoir le journal ou le télé-journal de 1970. Or les baby-boomers (1945-1965) sont quasi-out, la génération X (1965-1980) est aux manettes, et les « millennials », la génération Y (début 80es-fin-90es), pointe son nez. Le droit possède ses codes et ses grilles. Mais ceux qui l’appliquent ne sont plus les mêmes. Faudra-t-il adapter le processus aux modes de pensée différents des nouvelles générations ? Comme cela prend du temps, X et Y seront loin le temps d’y arriver, et le législateur étant encore très baby-boomers. Faudra-t-il l’adapter au déficit d’attention signe du siècle ? Frappe-t-il l’institution judiciaire ? L’attention est passée de douze à huit secondes entre 2000 et 2016. La déconcentration causée par les sollicitations constantes, le multi-tasking conscient et inconscient, et les effets sur le sommeil, créent une pathologie de l’attention dont il est illusoire de penser qu’elle ne l’atteint pas. Le juge et son greffier sont probablement aussi déconcentrés que les autres. Comment gérer cette nouvelle donne ? Tout d’abord en l’étudiant. Puis en admettant et en traitant son impact. Dans l’intervalle, l’avocat peut-il faire quelque chose ? Probablement.

Adapter son langage à ces générations X et surtout Y. Ce qui ne veut pas dire le bêtifier, mais le faire correspondre à leurs codes et sémantique. A l’oral comme à l’écrit. L’exercice est fin et utile. Et que la procédure permet – puisque la prose est libre. Et voir comment ces générations écrivent lorsqu’elles n’ont pas le carcan conçu et imposé par les précédentes. La presse poubelle n’est pas une notion uniforme. Chacun a sa sensibilité face à des révélations sur des personnes, leur sphère privée, leur intimité. L’alibi juridique de l’intérêt public ou de la liberté de la presse est vil mais fonctionne bien. Au 21ème siècle, la sphère publique a besoin de pleine transparence, et la sphère privée de pleine protection – l’atteinte à l’intime est rapidement inhumaine. Certains médias papier et surtout sur internet font commerce d’infos nulles, bêtes, méchantes, inutiles, sur des personnes prétendument publiques. A se demander à quoi pensent ceux qui les récoltent puis les écrivent, quelle conception ils ont d’un métier et d’eux-mêmes. Les combattre est pour autant souvent illusoire : cela est cher, inefficace, et le mal est fait. Sauf quand on est Hulk. Le catcheur avait réussi à faire mettre gawker.com en faillite, ou plus exactement son propriétaire-animateur, Nick Denton. Condamné à 140 millions de dommages-intérêts, il pleurnichait naturellement que ses biens, dont son site auquel il avait dédié 14 ans de travail, allaient partir en fumée. Bien fait – car le cas était précisément emblématique des enjeux : il n’y a aucun intérêt public quelconque à diffuser une sex-tape même d’un catcheur connu point barre. Le groupe gawker fut démantelé puis un accord trouvé pendant la procédure d’appel pour 31 millions tout de même. Good for him et chaque piqûre de rappel aux poubelles de l’info.