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Adapter le taux de l’usure au taux du marché en temps réel ? – et l’insolente entrée en bourse de l’ex-GE Money Bank

Ainsi Cembra Money Bank, encore GE Money Bank il y a peu, vient de lever un milliard de francs ! lors de son entrée en bourse. Votre sac à main, des vacances de rêve ou votre télévision plate de suite – à un taux d’intérêt de 9-10% : cette campagne d’affichage de goût discutable a été vue par chacun dans toutes les villes de Suisse. Pas étonnant que les investisseurs se pressent au portillon d’un fonds de commerce qui prête à 10% (entre 9,95 et 14,5% en fait) et se refinance actuellement littéralement à zéro. Il y a plein de certes et de bien sûr valant cautèles à la critique. UBS et le CS, et d’autres banques, prennent aussi 12,5% d’intérêt débiteur sur un compte personnel retail. Les offres varient dans une fourchette assez large : de 5,9% en ligne à la Banque Migros aux 13,95% de crédit-direct et 14,5% de Cembra. L’autonomie de la volonté principe cardinal du droit des contrats et la liberté/responsabilité personnelle. Le droit n’est pas là pour protéger les imprudents ou les imbéciles contre tout et tout le temps. Il y a la Loi sur le crédit à la consommation. Des assurances défaut. Et le débat de société a donc déjà eu lieu s’agissant de l’utilité ou nécessité pour certains de pouvoir accéder à un crédit même cher, et du besoin de l’encadrer par une protection du consommateur. Après tout si quelqu’un veut payer son sac à main ou sa télé 110% du prix pour l’avoir tout de suite, c’est son affaire et pas très intéressant. C’est même utile à l’économie – même si le domaine a été cadré juridiquement pour ses problèmes et dérapages et non bien sûr les cas non-problématiques. Il n’y a donc rien à voir et circulez, ni sur le le principe ni sur les taux ? 

Quand même – cette levée de capital interpelle, pour elle-même, pour le modèle d’affaires, et pour cet écart actuel entre le taux que paie l’emprunteur et celui auquel se refinance le prêteur. Au plan du taux, la loi prévoit que le maxima est fixé par le Conseil fédéral « en tenant compte des taux d’intérêts déterminants de la Banque Nationale pour le refinancement de tels crédits », et qu’il ne dépassera pas « en général » 15%. Il est fixé, précisément, par l’ordonnance correspondante, à 15%. Un rapport explicatif [1] exposait les considérations (de l’époque) sur ce point mais de fait, ce taux maximum de 15% n’a pas varié depuis l’entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 2003. L’ancien Concordat intercantonal réprimant les abus en matière d’intérêt conventionnel fixait la limite à 18%. Le droit pénal considère que l’infraction d’usure se réalise dès un taux de 20 à 25%. Celui qui s’endette à de tels taux fait son calcul et prend son risque. Il obère toutefois aussi sa capacité de gain ce qui le rend, selon les proportions, l’esclave de son prêteur, et restreint sa liberté personnelle. Dans une perspective historique, percevoir simplement un intérêt a été par moments illicite en soi. Il peut donc sembler anormal que le taux maximum soit resté fixe à 15% depuis 2003 sans égard pour la variation [2] du taux de refinancement. Un taux variable serait-il praticable ? Probablement – aux Etats-Unis par exemple, le taux de l’intérêt de retard post-jugement civil est quel que soit le temps que prendra le recouvrement un taux fixé par la Réserve fédérale au jour du jugement. A fortiori dans un environnement de taux bas qui dure, cet écart actuel entre le taux de refinancement et le taux réel du petit crédit choque – mais visiblement pas les nouveaux actionnaires de Cembra.