
Allemagne, Liechtenstein, l’affaire des comptes LLB du maître chanteur de Rostock et quelles différences avec l’affaire LGT ?
Dans l’affaire fiscale entre l’Allemagne et le Liechtenstein de février 2008, des officiels allemands avaient soudoyé un ex-employé de la LGT et « acheté » ainsi illicitement des données sur des contribuables allemands y disposant d’avoirs non-déclarés. Ce « coup » avait ravivé le débat sur le secret bancaire, l’entraide et tutti quanti sur la place européenne, l’Allemagne avait refilé ces données à d’autres Etats et le fait qu’elle ait commis un acte illicite qu’un Etat ne peut pas commettre n’avait finalement pas ému grand monde (cf. ce blog des 19 et 28 février). Dans la foulée, un ex-employé d’une autre banque liechtensteinoise, la LLB, avait lui aussi subtilisé des données relatives à 2000 comptes. Avec deux autres personnes, il a apparemment essayé de faire chanter des clients de la banque et la banque elle-même. Ces trois personnages sont poursuivis pénalement en Allemagne and rightly so. Les autorités fiscales et pénales allemandes enquêtent toutefois désormais sur les titulaires de ces comptes auprès de la LLB, mille personnes pour un total d’avoirs de l’ordre du milliard d’euros selon la presse. Quelles similitudes ou différences entre ces deux affaires ?
Sans connaître le droit allemand et notamment les dispositions du droit pénal et fiscal sur la licéité de la preuve, une distinction fondamentale est que dans le premier cas, les autorités fiscales allemandes ont-elles-même commis un acte illicite, pénal, pour obtenir les données. Sans cet acte, elles n’en auraient pas disposé. Dans le second cas, ces documents se trouvaient en Allemagne et les autorités y ont eu accès dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre les maîtres chanteurs. De prime abord, la justice pénale peut naturellement saisir tout élément de preuve situé sur son territoire et qui n’y est protégé par un secret institué par la loi. Ces données ont certes été soustraites à une banque du Liechtenstein illicitement dans cet Etat. Si l’on peut intellectuellement concevoir le recel de soustraction illicite de données, ou le recel de violation du secret bancaire étranger, je doute que ces constructions y recueillent beaucoup de sympathie sous un angle politique, ou puissent affecter concrètement la faculté de l’Allemagne d’utiliser des preuves tombées sous sa mainmise sans comportement illicite de sa part.
En cela les deux situations sont radicalement différentes – et ne doivent donc être amalgamées de manière trop manichéenne sur la considération que dans les deux cas il s’agit d’évasion ou de fraude fiscale alors peu importe. La validité de la collecte des preuves à charge est un aspect fondamental de l’Etat de droit et toute différence à cet égard importe et cela plus encore que tout le reste.
Reste le sort des malheureux clients. Peuvent-ils se retourner contre leurs banques pour les redressements et pénalités qu’ils subiront, puisqu’il y a en premier lieu et à la base une défaillance de la banque relativement à la fuite de données couvertes par le secret en droit positif du Liechtenstein ? En Suisse, cela ne serait pas le cas s’agissant de l’amende pénale ou fiscale. Selon un ATF 115 II 72 de 1989, l’amende est éminemment personnelle et ne peut être assumée par un tiers même pour violation de ses propres obligations. Cet arrêt a laissé ouverte la question d' »autres dommages » éventuellement réparables – mais la cause apparaîtrait probablement difficile…