Avocats et corruption : L’intéressante étude de l’IBA et de l’OCDE

Posté le 7 octobre, 2010 dans avocats / advocacy

L’IBA et l’OCDE viennent de publier une intéressante étude sur les avocats et la corruption, fondée sur une approche de perception comme celle de Transparency International – plutôt que sur des statistiques de répression ou autre n’ayant aucune représentativité. Plus précisément cette étude vise-t-elle à évaluer la pénétration des services des avocats par des phénomènes de corruption, en vue de la commission d’actes de corruption, par le client ou pour son compte. Est-il choquant de poser même la question – l’avocat étant par définition un juriste et donc au fait des actes réprimés par la loi ? La réponse est non. Les acteurs de l’économie doivent aujourd’hui avoir recours à l’avocat en tant que conseil à de nombreux titres, réglementaire, contractuel, financier, séquestre, organisation des transactions, avis de droit, etc. Or la corruption est une activité à caractère fondamentalement économique, se déroulant dans celle-ci. Pas étonnant dès lors que ceux qui commercent aient envie que, ouvertement ou à leur insu, des prestataires de services juridiques, financiers, fiduciaires, commerciaux, les assistent également avec ce pan participant de leurs activités. L’étude révèle ainsi que les avocats ont la perception de cette exposition, que nombre d’entre-eux sont entrepris à cette fin, que nombre d’entre-eux ont la perception d’avoir perdu des clients pour ne pas s’y être exposés, et qu’une partie enfin ne connaît pas ou maîtrise mal la règlementation en la matière. Naturellement, la distribution géographique de ces perceptions est très variable, les parties exposées du monde étant nommément et sans surprise la Russie, l’Europe de l’Est, les états Baltes, l’Afrique et l’Amérique latine… Et la Suisse ?

La Suisse est citée dans l’étude avec entre 11 et 20 avocats consultés sur 642 dans 95 pays. Moins de 10% estiment que la corruption est une préoccupation dans la profession. Contre par exemple 100% en Chine et au Pakistan, 85% en Russie, légèrement en dessous de 40% aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, 15% en France, etc. Cette question est pourtant légitime s’agissant de la Suisse. Les praticiens y sont formés d’une manière qui doit en principe les rendre prévenus et aptes à ne pas s’y prêter. Place financière, commerciale, centre international du trading de matières premières, etc., elle est en revanche nécessairement exposée, et avec elle ses prestataires de services, à la « demande » en ce sens d’une clientèle internationale. Etant rappelé également toutefois la licéité en droit interne et la large acceptation de la corruption de fonctionnaires étrangers jusqu’à l’avènement de la Convention OCDE en 1999. Un peu paradoxalement et au contraire de la lutte contre le blanchiment laquelle a très vite inclus les avocats intermédiaires financiers dans son arsenal et ses obligations, aucune formation ni règlementation n’a jamais été mise en place en Suisse en la matière, ni pour les avocats ni pour l’économie en général. A cet égard comme à d’autres, l’avocat doit comme les entreprises respecter la loi. L’étude met tout de même en lumière en la matière une méconnaissance et un déficit de formation parmi les avocats, également géographiquement inégalement réparti, quelque peu effrayant. En bref à lire absolument.

Pour le reste, cela règle-t-il le problème que dans des régions nombreuses et importantes du monde, la corruption est endémique, institutionnalisée, incontournable, pour faire la moindre affaire commerciale publique ou même privée – mais pays qui sont à tous les autres titres de la politique internationale à la table des nations ? Dont nous recevons les chefs d’état et dans lesquels nous avons des représentations diplomatiques et commerciales ? Qui siègent au FMI, au G20 ou… même à l’OCDE ? C’est une des hypocrisies du système – mais dans lequel l’acteur légitime de l’économie s’expose néanmoins toujours à des coups de bâtons. La corruption est un pacte par définition scélérat. Ses parties sont exposées non seulement à leur faute propre – mais à la dénonciation de l’un envers l’autre en cas de problème quelconque dans la relation. Puis à la corruption du système en matière de poursuite pénale qui fera que seuls certains seront poursuivis et non les autres. Qui fera que la corruption sera instrumentalisée pour servir les intérêts du plus fort ou du mieux introduit – au sein d’un système également corrompu au niveau de la police, de la justice ou de l’administration. Et que l’acteur légitime y ayant succombé ne pourra que limitativement se défendre – puisqu’y ayant précisément pris part. La question reste néanmoins difficile et concrète pour les acteurs de l’économie car, dans ces pays, respecter la loi c’est simplement rester sur la touche et n’y réaliser aucune affaire. Et en assistant dans l’intervalle à la prospérité de ses concurrents moins scrupuleux… La solution passe comme toujours par l’avènement de l’Etat de droit – mais il va falloir être patient…

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