Bravo Depardieu – et l’effarante inanité du débat

Posté le 16 décembre, 2012 dans actu / news

Bravo Depardieu – rien que parce que dans toute société, il faut des fortes têtes pour dire tout haut ce qui ne va pas, et que les politiques ignorent pour toujours la même raison : l’électoralisme. Mais l’inanité du débat est effarante. Que penser d’un premier ministre qui traite de minable une icône nationale qui a payé 145 millions d’euros d’impôts en quarante ans ? Cent quarante-cinq millions. C’est inacceptable à la forme comme au fond – alors que Depardieu dit tout haut ce que des milliers d’autres ont déjà fait tout bas : voter le plus licitement du monde avec leurs pieds en s’en allant. Inacceptable en termes de responsabilité politique que les gouvernants de droite comme de gauche ne traitent pas correctement le problème de la fuite des contributeurs les plus aisés : pourquoi et comment partent-ils, comment les retenir – avec leur capacité contributive élevée, quels sont les seuils critiques et les limites acceptables pour encourager la création et l’entreprise – plutôt que de les miner, quel est le calcul de rentabilité de ces seuils ? Niet nada. Jamais aucun chiffre, jamais aucune étude, jamais aucun débat sérieux et pointu, rien d’autre que des postures manichéennes et simplistes, mais qui devront bien un jour assumer politiquement le transfert de charge sur les classes moyennes qui résulte de chaque départ d’un contributeur important. Mais au-delà de ce qui n’en est qu’un aspect, l’inanité du débat effare jour après jour – parce qu’il n’emploie pas les bons marqueurs et n’aborde ces questions que de manière tronquée, trompeuse, électoraliste, politicienne et in fine fausse.

Les seuls marqueurs employés en France dans le discours politique en lien avec les finances de l’Etat sont le pouvoir d’achat, la croissance et le taux de chômage. Les gouvernants de droite comme de gauche jonglent avec deux leviers : la ponction fiscale et les dépenses de l’Etat – soit essentiellement le poids de la fonction publique. Or ces deux leviers ont une sensibilité politique très marquée. Les contributeurs importants, qui contribuent pour l’essentiel, sont une minorité. Les politiques le savent bien – et que leur poids électoral est faible. Au contraire de celui de la fonction publique. Le débat n’évoque ainsi jamais les questions de fond préalables pourtant essentielles : quelle fraction du PIB le peuple veut-il que l’Etat consacre à ses prestations, quelle ponction sur le PIB est-elle supportable en termes de dette publique, quelle ponction sur le PIB est-elle supportable par l’économie privée pour respirer, créer, prospérer – et contribuer fiscalement ? Quelle ponction une entreprise ou un particulier peuvent-ils supporter pour avoir les moyens de se développer, pour être motivés à entreprendre – alors qu’ils en supportent le risque économique ? Les Etats ont vécu trop longtemps dans le dogme de la croissance, de l’endettement, et de l’effacement de ce dernier par la croissance et par l’inflation. Ce ne sera plus le cas pendant longtemps, et le modèle a même lui-même probablement vécu. Avec pour effet d’en revenir par la douleur à des budgets véritablement équilibrés et à des prélèvements totaux économiquement et socialement viables, favorisant d’entreprendre et d’employer plutôt que les tuant.

Un autre indicateur révélateur, mais également totalement absent du débat de la crise des finances publiques et de la chasse aux riches affichée comme son remède, est celui de l’économie souterraine. Elle est selon les chiffres et les études de l’ordre de 12-13% en France, 19% en moyenne européenne, 13% en Allemagne – représentant 343 milliards d’euros. Elle est un indicateur social parlant. Bien que bien sûr illicite, elle est la soupape de rentabilité ex-prélèvements obligatoires, de revenu hors-taxe, voire de survie, de toute une frange de la population et des entreprises. Sachant que la fonction publique n’est en principe pas concernée, cela signifie qu’un français sur quatre hors celle-ci, et qui sont des électeurs, bénéficient ainsi d’un complément de revenu occulte, d’une distorsion peu réprimée du marché et de la fiscalité. Conclusion ? Ce débat sur la fiscalité demeurera inefficace tant que les Etats n’appréhenderont pas les réalités dans leur ensemble, ne fixeront pas la totalité des objectifs, et n’inverseront pas le modèle et ne fixeront pas le niveau de leurs prestations en fonction des prélèvements qui sont supportables en termes de dette, de désendettement et de croissance.

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